vendredi 31 décembre 2010

L'initiative PPTE pour les nuls

L’initiative PPTE pour les Nuls
Par François Adzimahe, Observateur
31.12.10
Le PPTE pour les Nuls tire l’essence de son sens dans le fait que les pays ayant droit à ce statut, doivent avoir prouvé pour y adhérer, qu’ils font partie des “ très pauvres” (le nom le dit d’ailleurs très bien) et les plus endettés de la planète. C’est en cela d’ailleurs que les détracteurs du PPTE ont découvert la première limite à cette initiative conjointe (et censée être salutaire, voire salvatrice) du FMI et de la Banque Mondiale :
Les pays qui font des efforts de remboursement et risquant de ce fait de ne pas pouvoir bénéficier de l’initiative PPTE peuvent du coup s’auto-endetter et dormir sur leurs lauriers en attendant qu’on les inscrive dans le programme au grand dam des populations dont les générations descendantes payeront à coup sûr la facture.
Autrement dit, quand on veut bénéficier de l’initiative PPTE, il faut soi-même s’auto-appauvrir.
Mais là encore, au gré du bénéfice du doute supposons un instant que le jeu puisse en valoir la chandelle ; quelles fortunes réserverait cette dernière aux petits pays très appauvris ? D’après les définitions apportées par l’encyclopédique site du wikipédia, il s’agirait simplement d’annuler progressivement les dettes des pays ayant atteint le point d’achèvement du PPTE ; autrement dit, ces pays-là qui ont suffisamment prouvé leur éligibilité au programme en fonction des critères imposés par les institutions de Bretton Woods. Cela veut dire en clair qu’au lieu de virer des fonds importants en guise de remboursement au FMI, à la Banque Mondiale ; et pour les africains, à une troisième institution qu’est la Banque Africaine de Développement ; ces pays pauvres auront le droit de garder cette immense fortune pour refinancer l’éducation, la santé et endiguer la pauvreté, sœur aînée de tous les maux qui se développent dans nos pays.
Par analogie à la construction de certains mots français, dont l’ajout du “a” au début de l’orthographe sert à exprimer leurs contraires, comme normal – anormal, ou encore typique – atypique ; nous noirs (ou bipèdes humanoïdes carboniques selon l’admirable Amobe Mévégué) avons toujours végété dans le “fric – afric”, toute mesure pour résoudre la pauvreté s’étant révélée in fine inefficace. Car l’Initiative PPTE n’est pas la première mesure dont on a vanté l’efficacité et qui devait en principe aider l’Afrique à s’en sortir. S’en sortir, à tel point qu’on s’en retrouve enlisé et que les machines de développement en viennent à être en permanence ensablés (hommage aux machines d’extraction de la SNPT, la Société Nouvelle des Phosphates du Togo). En 1994, c’est dans un hôtel à Dakar, au Sénégal, que Edouard Balladur alors Premier Ministre de la République Française décida définitivement les pays de la zone CFA à procéder à la dévaluation de la monnaie qu’ils partageaient déjà si mal. L’initiative avait ses bons côtés, car l’idée était qu’une fois la monnaie dévaluée, les fonds gagnés par l’Afrique à la suite des exportations de matières premières et autres produits, puissent multiplier par deux (dévaluation de 50%). Ajouté au Programme d’Ajustement Structurel préconisé et/ou presqu’imposé (je m’expliquerai dans la prochaine phrase), la dévaluation devait en principe changer définitivement la face de l’Afrique ; on a bien dit « en principe ». En pratique, l’Ajustement Structurel fut formidablement bâclé car les puissances économiques occidentales, éternels usuriers de l’Afrique, n’avaient opéré aucun suivi sérieux (cela relevait du machiavélisme, de la non-assistance à continent en danger). Certes, les recrutements dans les fonctions publiques furent bloqués, les fournitures en armement des pays “ajustés structurellement” furent apparemment diminués, les privatisations amorcées, les zones franches développées, les fiscalités réévaluées, les exportations libéralisées ; puis, alors, que la zone CFA était au bord du gouffre, elle fit un grand pas en avant… et y tomba. Je rends avec cette dernière phrase hommage à Mobutu Seseseko qui avait fait plié de rire, un parterre de journalistes et d’observateurs européens en déclarant : “Hier, le Zaïre était au bord du gouffre. Aujourd’hui il a fait un grand pas en avant”. 
Doit-on pourtant rappeler que dans l’histoire des grandes crises économiques, les dévaluations réussissaient pourtant très bien, trop bien même au pays s’alignant (volontairement ou non) au bord de l’abîme :
-          1929 : Crise économique aux Etats-Unis contaminant en quelques mois le reste du monde occidental, et même le Togo en 1933 (Des femmes ont d’après l’histoire, manifesté assez violemment dans les rues de Lomé à l’époque). Cette crise fut résorbée par la dévaluation du dollar. Le billet vert Américain, avait perdu 40% de sa valeur sans faire perdre la tête des anciens Présidents qui y sont imprimés (Nous, nous avons vite fait d’effacer les têtes de Bella Bellow et des masques africains ! Valeur Africaine, où es-tu ?).
-          Plus près de nous, en Côte d’Ivoire, les effets de la dévaluation furent très bien, trop bien ressenties (car bien préparées par le Premier Ministre en poste jusqu’en décembre1993, Alassane Ouattara) par une augmentation de la croissance économique passant de 1,8% à 6,8% ; avant que les suceurs de richesse ne viennent… (allez, je me lâche) ne viennent tout foutre en l’air.
On pourrait ajouter de loin l’exemple du Brésil qui a également pris au sérieux son ajustement structurel. Aujourd’hui, il compte parmi les pays du G20, et a une femme (un peu retouchée au visage, mais cela lui va bien) comme Chef d’Etat. Quand on évoque aujourd’hui le nom du Brésil, ce n’est plus seulement en termes de bimbos en maillots de bain sur les plages de Rio de Janeiro ; c’est désormais et surtout aussi en termes de puissance économique.
Et l’Afrique  dans tout ceci : nous avons quand même remporté le lot de la malhonnêteté, de la gabegie et de tout ce qui est mauvais ; tout ce qui est mauvais et que les hommes de tête des pouvoirs adorent faire subir à la terre qui les a vus naître. C’est à se demander si un Dieu existe vraiment pour que la justice à leur rendre se fasse désirer.
Dévaluation, oui ; mais politiques d’accompagnement non ; comment pouvait-on espérer arriver à sauver un seul pays avec cette logique relevant de l’illogique ? A la rigueur, on aurait pensé à de la sorcellerie, à du charlatanisme.
Les relents de dangerosité environnant l’initiative PPTE et ses pays arrivés au point d’achèvement nous laisseront-ils une fois de plus un goût amer ? Quand on demandera aux PPTE de garder les fonds servant à rembourser les institutions que nous savons, pour créer un meilleur avenir pour leurs populations, Devraient-elles craindre dilapidations et détournements ?
Pire encore, ces rumeurs parcourant les populations en termes de désinformation pour leur annoncer que quand leurs pays deviennent des PPTE, il y a une garantie de financements se chiffrant en milliards de francs CFA. Cette désinformation est tellement importante qu’elle nourrit des espoirs qui risquent de saigner à blanc des cœurs déjà meurtris, si l’initiative PPTE devient un fiasco.
Je fais partie des togolais qui s’interrogent sur l’utilité de l’immeuble de Togo Télécom situé non-loin de la GTA, immeuble qui prend sérieusement des allures de Tour de pise. C’est une bien jolie tour, qui a poutant l’air inhabitée depuis son érection. Et cela commence par sentir l’éléphant blanc à plein nez. Si cette couleur d’éléphant arrivait (on ne sait jamais) à se révéler au grand jour, la dangerosité du PPTE que notre pays le Togo est devenu sera alors très recevable.
Les critiques, comme celles de Arnaud Zacharie, énumèrent jusqu’à dix limites sur cette initiative PPTE (à lire sur ce blog ; lien disponible dans la colonne de droite de la page : Les dix limites à l’initiative PPTE). Qu’à cela ne tienne, on se demandera comment la Côte d’Ivoire, le pays qui contribue aux fonds de la BCEAO jusqu’à concurrence de 78% a pu s’inscrire dans l’initiative PPTE pour ne libéraliser en fin de compte que les exportations de son café et son cacao et perdre par conséquent des sérieux avantages en matière de recettes douanières. Pourtant, la crevasse béante laissée par le coton Malien “PPTEisé” était bien visible depuis la Côte d’Ivoire, comme un nez au milieu de la figure. On se demande aussi si le Bénin, le Sénégal ou même l’Ouganda qui vont bientôt atteindre la fin de leur statut PPTE ont pu un tant soit peu, apporter une amélioration dans la vie de leurs populations.
Comme me l’a rappelé mon père (ça lui rendra aussi hommage), quand je lui demandai de financer mes études supérieures assez élevées en termes de coûts, on peut seulement dire à nos dirigeants de PPTE : « Si tu fais que ça marche, c’est bien ; sinon, ça te reviendra dans la figure ; moi j’ai déjà donné ».

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