vendredi 31 décembre 2010

L'initiative PPTE pour les nuls

L’initiative PPTE pour les Nuls
Par François Adzimahe, Observateur
31.12.10
Le PPTE pour les Nuls tire l’essence de son sens dans le fait que les pays ayant droit à ce statut, doivent avoir prouvé pour y adhérer, qu’ils font partie des “ très pauvres” (le nom le dit d’ailleurs très bien) et les plus endettés de la planète. C’est en cela d’ailleurs que les détracteurs du PPTE ont découvert la première limite à cette initiative conjointe (et censée être salutaire, voire salvatrice) du FMI et de la Banque Mondiale :
Les pays qui font des efforts de remboursement et risquant de ce fait de ne pas pouvoir bénéficier de l’initiative PPTE peuvent du coup s’auto-endetter et dormir sur leurs lauriers en attendant qu’on les inscrive dans le programme au grand dam des populations dont les générations descendantes payeront à coup sûr la facture.
Autrement dit, quand on veut bénéficier de l’initiative PPTE, il faut soi-même s’auto-appauvrir.
Mais là encore, au gré du bénéfice du doute supposons un instant que le jeu puisse en valoir la chandelle ; quelles fortunes réserverait cette dernière aux petits pays très appauvris ? D’après les définitions apportées par l’encyclopédique site du wikipédia, il s’agirait simplement d’annuler progressivement les dettes des pays ayant atteint le point d’achèvement du PPTE ; autrement dit, ces pays-là qui ont suffisamment prouvé leur éligibilité au programme en fonction des critères imposés par les institutions de Bretton Woods. Cela veut dire en clair qu’au lieu de virer des fonds importants en guise de remboursement au FMI, à la Banque Mondiale ; et pour les africains, à une troisième institution qu’est la Banque Africaine de Développement ; ces pays pauvres auront le droit de garder cette immense fortune pour refinancer l’éducation, la santé et endiguer la pauvreté, sœur aînée de tous les maux qui se développent dans nos pays.
Par analogie à la construction de certains mots français, dont l’ajout du “a” au début de l’orthographe sert à exprimer leurs contraires, comme normal – anormal, ou encore typique – atypique ; nous noirs (ou bipèdes humanoïdes carboniques selon l’admirable Amobe Mévégué) avons toujours végété dans le “fric – afric”, toute mesure pour résoudre la pauvreté s’étant révélée in fine inefficace. Car l’Initiative PPTE n’est pas la première mesure dont on a vanté l’efficacité et qui devait en principe aider l’Afrique à s’en sortir. S’en sortir, à tel point qu’on s’en retrouve enlisé et que les machines de développement en viennent à être en permanence ensablés (hommage aux machines d’extraction de la SNPT, la Société Nouvelle des Phosphates du Togo). En 1994, c’est dans un hôtel à Dakar, au Sénégal, que Edouard Balladur alors Premier Ministre de la République Française décida définitivement les pays de la zone CFA à procéder à la dévaluation de la monnaie qu’ils partageaient déjà si mal. L’initiative avait ses bons côtés, car l’idée était qu’une fois la monnaie dévaluée, les fonds gagnés par l’Afrique à la suite des exportations de matières premières et autres produits, puissent multiplier par deux (dévaluation de 50%). Ajouté au Programme d’Ajustement Structurel préconisé et/ou presqu’imposé (je m’expliquerai dans la prochaine phrase), la dévaluation devait en principe changer définitivement la face de l’Afrique ; on a bien dit « en principe ». En pratique, l’Ajustement Structurel fut formidablement bâclé car les puissances économiques occidentales, éternels usuriers de l’Afrique, n’avaient opéré aucun suivi sérieux (cela relevait du machiavélisme, de la non-assistance à continent en danger). Certes, les recrutements dans les fonctions publiques furent bloqués, les fournitures en armement des pays “ajustés structurellement” furent apparemment diminués, les privatisations amorcées, les zones franches développées, les fiscalités réévaluées, les exportations libéralisées ; puis, alors, que la zone CFA était au bord du gouffre, elle fit un grand pas en avant… et y tomba. Je rends avec cette dernière phrase hommage à Mobutu Seseseko qui avait fait plié de rire, un parterre de journalistes et d’observateurs européens en déclarant : “Hier, le Zaïre était au bord du gouffre. Aujourd’hui il a fait un grand pas en avant”. 
Doit-on pourtant rappeler que dans l’histoire des grandes crises économiques, les dévaluations réussissaient pourtant très bien, trop bien même au pays s’alignant (volontairement ou non) au bord de l’abîme :
-          1929 : Crise économique aux Etats-Unis contaminant en quelques mois le reste du monde occidental, et même le Togo en 1933 (Des femmes ont d’après l’histoire, manifesté assez violemment dans les rues de Lomé à l’époque). Cette crise fut résorbée par la dévaluation du dollar. Le billet vert Américain, avait perdu 40% de sa valeur sans faire perdre la tête des anciens Présidents qui y sont imprimés (Nous, nous avons vite fait d’effacer les têtes de Bella Bellow et des masques africains ! Valeur Africaine, où es-tu ?).
-          Plus près de nous, en Côte d’Ivoire, les effets de la dévaluation furent très bien, trop bien ressenties (car bien préparées par le Premier Ministre en poste jusqu’en décembre1993, Alassane Ouattara) par une augmentation de la croissance économique passant de 1,8% à 6,8% ; avant que les suceurs de richesse ne viennent… (allez, je me lâche) ne viennent tout foutre en l’air.
On pourrait ajouter de loin l’exemple du Brésil qui a également pris au sérieux son ajustement structurel. Aujourd’hui, il compte parmi les pays du G20, et a une femme (un peu retouchée au visage, mais cela lui va bien) comme Chef d’Etat. Quand on évoque aujourd’hui le nom du Brésil, ce n’est plus seulement en termes de bimbos en maillots de bain sur les plages de Rio de Janeiro ; c’est désormais et surtout aussi en termes de puissance économique.
Et l’Afrique  dans tout ceci : nous avons quand même remporté le lot de la malhonnêteté, de la gabegie et de tout ce qui est mauvais ; tout ce qui est mauvais et que les hommes de tête des pouvoirs adorent faire subir à la terre qui les a vus naître. C’est à se demander si un Dieu existe vraiment pour que la justice à leur rendre se fasse désirer.
Dévaluation, oui ; mais politiques d’accompagnement non ; comment pouvait-on espérer arriver à sauver un seul pays avec cette logique relevant de l’illogique ? A la rigueur, on aurait pensé à de la sorcellerie, à du charlatanisme.
Les relents de dangerosité environnant l’initiative PPTE et ses pays arrivés au point d’achèvement nous laisseront-ils une fois de plus un goût amer ? Quand on demandera aux PPTE de garder les fonds servant à rembourser les institutions que nous savons, pour créer un meilleur avenir pour leurs populations, Devraient-elles craindre dilapidations et détournements ?
Pire encore, ces rumeurs parcourant les populations en termes de désinformation pour leur annoncer que quand leurs pays deviennent des PPTE, il y a une garantie de financements se chiffrant en milliards de francs CFA. Cette désinformation est tellement importante qu’elle nourrit des espoirs qui risquent de saigner à blanc des cœurs déjà meurtris, si l’initiative PPTE devient un fiasco.
Je fais partie des togolais qui s’interrogent sur l’utilité de l’immeuble de Togo Télécom situé non-loin de la GTA, immeuble qui prend sérieusement des allures de Tour de pise. C’est une bien jolie tour, qui a poutant l’air inhabitée depuis son érection. Et cela commence par sentir l’éléphant blanc à plein nez. Si cette couleur d’éléphant arrivait (on ne sait jamais) à se révéler au grand jour, la dangerosité du PPTE que notre pays le Togo est devenu sera alors très recevable.
Les critiques, comme celles de Arnaud Zacharie, énumèrent jusqu’à dix limites sur cette initiative PPTE (à lire sur ce blog ; lien disponible dans la colonne de droite de la page : Les dix limites à l’initiative PPTE). Qu’à cela ne tienne, on se demandera comment la Côte d’Ivoire, le pays qui contribue aux fonds de la BCEAO jusqu’à concurrence de 78% a pu s’inscrire dans l’initiative PPTE pour ne libéraliser en fin de compte que les exportations de son café et son cacao et perdre par conséquent des sérieux avantages en matière de recettes douanières. Pourtant, la crevasse béante laissée par le coton Malien “PPTEisé” était bien visible depuis la Côte d’Ivoire, comme un nez au milieu de la figure. On se demande aussi si le Bénin, le Sénégal ou même l’Ouganda qui vont bientôt atteindre la fin de leur statut PPTE ont pu un tant soit peu, apporter une amélioration dans la vie de leurs populations.
Comme me l’a rappelé mon père (ça lui rendra aussi hommage), quand je lui demandai de financer mes études supérieures assez élevées en termes de coûts, on peut seulement dire à nos dirigeants de PPTE : « Si tu fais que ça marche, c’est bien ; sinon, ça te reviendra dans la figure ; moi j’ai déjà donné ».

Les dix limites de l'initiative PPTE

Les dix limites de l'initiative PPTE


Par Arnaud ZACHARIE
En juin 1999 au G7 de Cologne, les argentiers du monde s'étaient engagés à répondre positivement à la pétition de 17 millions de signatures (la plus grande de toute l'histoire de l'Humanité) déposée par la coalition Jubilé 2000 : 90% de la dette des pays pauvres devaient être annulés au cours de l'année 2000, grâce à l'application de l'initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés). L'effort annoncé s'élevait à 100 milliards de dollars. Plusieurs pays annoncèrent jusqu'à 100% d'annulation. Pourtant, derrière ses effets d'annonce se cache une initiative complexe n'aboutissant pas à une réduction significative de l'endettement et de la pauvreté des pays pauvres…
1. Une logique contre-productive
L'initiative PPTE vise à rendre la dette des PPTE "soutenable" (ce qui signifie pour le FMI et la Banque mondiale ramener la valeur de la dette à 150% des revenus d'exportation), ce qui fait que seuls les pays ayant une dette "insoutenable" ont accès à un allégement. Cette logique aboutit à une course à l'endettement, vu qu'un pays réussissant à se désendetter est exclu de l'initiative (ce fut le cas du Bénin et du Sénégal dans l'initiative originale), tandis qu'un pays laxiste s'endettant entrera dans les conditions d'accès à un allégement.
2. Un nombre limité de pays éligibles
D'abord, la liste des PPTE se limite à 41 pays dont la dette cumulée ne représente que 10% de la dette du Tiers Monde. Ensuite, seuls les pays jugés "politiquement corrects" ont droit à un allégement. Il en résulte que le nombre de pays élus et la part de dette prise en compte pour un allégement sont très faibles. Début 2001, seul 1,6% de la dette du Tiers Monde est susceptible d'être allégée durant les prochaines années.
3. La majorité des pauvres non concernée
Vu que la liste des pays éligibles pour un allégement se limite à 41 pays, la majorité des pauvres de la planète ne sont pas concernés par l'initiative. En effet, 80% des pauvres vivent dans douze pays (Inde, Chine, Brésil, Nigeria, Indonésie, Philippines, Ethiopie, Pakistan, Mexique, Kenya, Pérou et Népal). Or, seuls le Kenya et l'Ethiopie font partie de la liste des PPTE.
4. Une conditionnalité politique
Seuls les pays jugés "politiquement corrects" par les créanciers sont admis pour un allégement. Cela signifie que des pays de la liste PPTE, comme par exemple le Soudan, n'auront pas accès à l'initiative (car il n'est pas un pays "ami"). La dette est donc toujours utilisée comme un levier géopolitique, ce qui explique que l'Ouganda, allié stratégique des Etats-Unis en Afrique, est le pays recevant les meilleures conditions d'allégement (c'est d'ailleurs le seul pays à être arrivé au terme de l'initiative début 2001).
5. Des conditionnalités économiques contre-productives
L'accès à un allégement est conditionné à l'application de deux phases de réformes d'ajustement allant de trois à six ans. Bien que rebaptisées "cadre stratégique de lutte contre la pauvreté", les réformes économiques restent les mêmes que celles appliquées jusqu'ici au sein des programmes d'ajustement structurel : libéralisation et privatisations massives; austérité budgétaire et fiscalité indirecte élevée; politique économique basée sur le "tout à l'exportation". Aussi, les pays pauvres restent condamnés à l'exode des capitaux (grâce à la libéralisation facilitant l'évasion fiscale et les rapatriements de bénéfices), à l'appauvrissement des populations locales (touchées de plein fouet par la TVA élevée et le démantèlement des services publics) et à la dépendance envers quelques produits d'exportation dont la valeur ne cesse de chuter sur les marchés mondiaux. Quant aux privatisations, elles sont élevées en véritable dogme, sans que leur efficacité ne soit le moins du monde analysée. Pourtant, la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement) note que "selon une étude récente de 53 pays, dont 10 d'Afrique subsaharienne, dans les années 80, l'investissement public aurait été généralement plus productif que l'investissement privé. L'explication donnée était une réorientation des projets d'investissement public vers des emplois plus productifs, ainsi qu'une réduction de la productivité des investissements privés due à l'insuffisance d'investissements publics complémentaires".
6. Un financement aléatoire
Alors que le G7 annonçait un effort de 100 milliards de dollars en juin 1999, on est très loin du compte actuellement : moins de 3 milliards ont été réunis ! Aussi, le financement de l'initiative est encore loin d'être assuré, les pays riches rechignant à appliquer leurs engagements.

7. Des projections de "soutenabilité" irréalistes
Non seulement le niveau de "soutenabilité" est sévère (une dette est-elle soutenable lorsque son service prive les populations locales de santé et d'éducation ?), mais en plus les projections à moyen terme des experts du FMI sont totalement irréalistes. Par exemple, alors que le prix du coton a perdu 46% de sa valeur entre début 1997 et fin 1999, les projections du FMI jusqu'en 2019 pour le Mali se basent sur une augmentation annuelle du prix du coton de 9% !
8. Des allégements homéopathiques et lents
Etant minimes et étalés sur une longue période, les allégements peuvent n'aboutir qu'à des diminutions minimes du service de la dette, voire à une augmentation ! Par exemple, le Mali devra, selon les estimations optimistes du FMI, rembourser 16,1 millions de dollars en 2010 pour 19,7 millions actuellement. Autre exemple : la Tanzanie ne verrait son service de la dette diminuer que de 7% dans le meilleur des cas. En outre, ces allégements sont étalés sous forme d'aides annuelles étalées sur trente ans en moyenne, ce qui signifie que des chocs extérieurs (chute des cours des matières premières, sécheresse, crise financière, etc.) sont susceptibles d'accentuer l'endettement de ces pays durant cette période. Le rapport 2000 de l'OCDE note ainsi que "la mise en œuvre intégrale de l'initiative ne se traduira pas par une diminution de la valeur (…) de la dette, car les allégements prendront pour l'essentiel la forme de remises d'intérêts et de dons destinés à financer le service de la dette, et non de réductions directes de l'encours de cette dette."
9. Un effort négligeable des institutions financières internationales
Le FMI et la Banque mondiale rechignent à annuler leurs créances, car ils disent avoir besoin de ces fonds pour garantir la stabilité financière internationale et financer le développement. Aussi, le FMI se limite à échanger de vieilles créances contre de nouveaux prêts à faibles taux d'intérêt. Quant à la Banque mondiale, lorsqu'elle renonce à une créance, elle se rembourse par le biais d'un fonds fiduciaire alimenté par ses Etats membres sous forme de prêts. Il ne s'agit donc pas d'annulation, mais de refinancement de vieilles créances que l'on sait impossibles à rembourser.
10. Une impossible démocratie
Alors que les institutions financières internationales ne cessent de prôner la "bonne gouvernance", tous les pays pauvres se limitent en réalité à appliquer leurs programmes, condition nécessaire à un allégement de dette. Comment espérer un pluralisme démocratique dans une telle situation ? L'exemple du Sénégal, qui a élu Abdoulaye Wade pour son slogan "Sopi !" ("changement" en wolof), en fait actuellement la malheureuse expérience : le programme du nouveau président est fort proche de celui de son prédécesseur Abdou Diouf, puisque le FMI et la Banque mondiale étaient déjà au chevet du pays depuis deux décennies.
Les résultats
Début 2001, seuls 22 pays sont pris en considération. Concrètement, seul l'Ouganda a atteint jusqu'ici le terme des deux phases de réformes et a reçu un allégement de 2 milliards de dollars (ce qui représente 0,1% de la dette du Tiers Monde). Même en se projetant dans l'avenir et en prenant en compte l'ensemble des 22 pays "éligibles" pour un allégement, seuls 15% de la dette des PPTE (soit 1,6% de la dette du Tiers Monde) seront au mieux annulés. La pauvreté n'est pas susceptible de diminuer dans de telles conditions…
Selon la CNUCED : "Les espoirs que l'on fonde actuellement sur la mise en œuvre de l'initiative renforcée en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) ne sont pas réalistes. L'allégement de la dette envisagé ne suffira pas à rendre celle-ci supportable à moyen terme (…); par ailleurs, l'ampleur de l'allégement de la dette et la manière dont il interviendra n'auront pas d'effets directs majeurs sur la réduction de la pauvreté" (CNUCED 2000, p. 31).
Le PNUD ne dit pas autre chose : "La dette continue d'être un frein au développement humain et à la réalisation des droits de l'homme. (…) L'initiative d'annuler le service de la dette en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) n'a jusqu'ici eu qu'un impact limité. (…) De nouvelles mesures, introduites en 1999, cherchent à fournir un allégement plus rapide et plus important en visant la réduction de la pauvreté. L'allégement de la dette reste toujours loin derrière les intentions et les promesses. Il est urgent que la mise en place de ces programmes s'accélère dans tous les pays et que de nouvelles initiatives soient mises en œuvre pour que la réduction de la dette ait une incidence sur le développement humain" (PNUD 2000, p.120).

dimanche 26 décembre 2010

L’aspiration démocratique des peuples, une réalité incontestable…



L’aspiration démocratique des peuples, une réalité incontestable…
Sauf en Afrique 

Par François Adzimahe, Observateur.
26.12.10

Dans le titre, il a fallu tout de suite ajouter : “Sauf en Afrique” et la raison paraît toute simple :   Un système politique dans lequel la souveraineté procède de l’ensemble des citoyens est une démocratie. Un système dans lequel la souveraineté procède d’une partie des citoyens (les plus nantis et trop souvent membres du parti au pouvoir) n’est pas démocratie.

Avant d’aller plus loin, reprenons _ et ceci dans le but de poser les fondements de cette réflexion _ le parcours de la démocratie depuis les premières heures de son existence ; Car on s’en doute, ce concept politique a fait son bout de chemin.

D’abord chez les grecs, une certaine démocratie autorisait tout citoyen, à l’exception des femmes, des esclaves et des « métèques » (tous ceux qui n’étaient pas nés grecs et donc n’avaient pas la citoyenneté, aujourd’hui, la nationalité) pouvaient prendre la parole et voter à l’Agora. Suivra progressivement cette montée en puissance de l’église catholico-romaine caractérisée par une théocratie au sommet de laquelle trônait la papauté ; elle fut d’ailleurs associée assez tôt avec la royauté caractérisée par le règne de générations de familles qui de par leurs sangs royaux étaient censés être les seules à avoir la capacité de diriger, de gouverner, d’être au pouvoir. Le pouvoir divin incarné dans l’Europe du 17ème siècle par la royauté et la papauté fut non seulement théocratique, mais aussi autocratique, oligarchique, monarchique, dictatorial (selon les humeurs des historiens qui ont commenté ce pan de l’histoire du monde moderne). L’exemple suivant prêterait d’ailleurs à sourire de nos jours, mais il revêtait un caractère très sérieux à l’époque :

Charles 1er roi d’Angleterre aurait pendant longtemps octroyé sous son règne un permis d’acte sexuel à ses sujets du royaume. C’était le FUCK : Le Fornication Under the Consent of the King. Tout couple qui n’avait pas ce permis avant de copuler pouvait être condamné à de lourdes peines.
Aujourd’hui le mot est galvaudé, et relegué à la vulgarité, mais il avait bien de l’importance pour le peuple anglais du 17ème.Jusqu’à quel point pouvait-on asservir un peuple ? vous venez d’avoir la réponse.

C’est alors qu’une mésentente entre Sangs Royaux et Petits Bourgeois fit littéralement perdre la tête  au roi de l’époque, Charles 1er (on le décapita). Un certain Cromwell fit de l’Angleterre d’alors une république, qui aurait dû prendre des allures de démocratie ; mais toujours en ce 17ème siècle, le peuple apparemment ne savait pas ce qu’il voulait ; Cromwell non plus d’ailleurs.  Taxé d’être encore plus dictatorial que le régime de la royauté, On mit rapidement fin à sa République et un sang royal lui succéda sous le nom de Charles, deuxième du nom. C’est d’ailleurs un peu sous son règne qu’on énuméra la première déclaration des droits tout en posant des garde-fous au pouvoir du roi. Ces droits garantissant certaines libertés individuelles aux citoyens anglais, on considéra que c’est à peu près à cette époque qu’on vit naître ce qu’est la démocratie moderne dont nous semblons jouir dans beaucoup de pays du monde. Tout le reste ne fut qu’améliorations en passant par les penseurs du monde moderne parmi lesquels John Locke, Charles De Montesquieu et Jean Jacques Rousseau dont le contrat social mettait en avant la collectivité qui doit nécessairement favoriser le bonheur du plus grand nombre. Entre temps, la démocratie prit des traits plus fins avec la révolution française et son lot de Déclaration des droits de l’homme, l’invention du suffrage universel, du référendum, etc.

Les grands idéologistes de l’histoire ont toujours cherché à donner le pouvoir au peuple pour être sûr de faire de la démocratie. Ce fut les batailles quotidiennes des Marxistes-léninistes qui ont cru pouvoir y arriver avec le communisme, les socialistes qui les ont précédé en ouvrant la voie au peuple pour qu’il puisse décider de tout sans savoir vraiment vers quoi il allait, les anarchistes qui optaient pour la politique de l’autruche et laissaient les choses s’envenimer quand ils plongeaient et gardaient leur tête dans le sable.

La démocratie : le mot était compliqué, les ouvertures qu’on essayait de présenter à travers ce dernier étaient sans cesse remises en question et ses limites ô combien nombreuses étaient sans cesse bafouées, surtout chez nous, les Africains. Car voici, l’une des limites dont il ne faut jamais faire abstraction quand on imprime la démocratie dans les gènes d’un peuple aussi primitif qu’il soit, surtout s’il n’en connaissait même pas l’existence il y a moins d’un siècle : la démocratie n’est qu’un concept vide si tous les citoyens n’ont pas accès à l’information ou à un niveau d’instruction qui leur permette de participer au débat politique.
Soudain, cette dernière éclaircie, limite importante à la démocratie, apporterait de l’eau au moulin d’un certain Jacques Chirac, afro-pessimiste de la première heure, pour qui «  l'héritage des lumières ne pouvait s'acclimater avec la culture africaine, dominée par l'instinct tribal. En raison de cette faiblesse structurelle et en l'absence de clivages idéologiques, la démocratisation de l'Afrique ne pouvait que déboucher sur le chaos, le désordre ; un luxe que les pays africains ne pouvaient s'accorder ».
Et tout porte à croire, à la lumière des guerres tribales en Afrique, des manifestations qui finissent dans le sang, des répressions et autres plaies politiques infligées au continent par ses propres fils, que non seulement l’Afrique Noire est mal partie, mais aussi qu’elle n’a rien compris. Sinon, comment comprendre qu’il puisse exister des Ivoiriens apportant un soutien indéfectible au Président sortant et aujourd’hui s’imposant, Laurent Gbagbo. Car dans le souvenir le plus récent qu’on puisse avoir, celui de son règne sur la moitié du pays, on n’a déploré que morts d’hommes (Escadrons de la mort, charniers de Yopougon, Mort et disparition de journalistes français) et détournements financiers notamment des productions du Café et du Cacao pour s’armer. Qu’en serait-il quand on lui confiera deux moitiés de pays au lieu d’une seule. D’aucuns brandiront avec leurs sentiments anti-occident le fait que la France soit mauvaise, qu’elle soit à la base de tous les problèmes de l’Afrique et que sais-je encore. Mais alors, revenons à l’actualité du 19 Septembre 2000 à Abidjan. Le fameux contrat signé entre la France et la Côte d’Ivoire sous HouphouetBoigny qui stipulait l’assistance de l’armée française en cas d’attaque militaire avait encore sa valeur, ou peut-être pas ; mais tout amenait à penser que l’intervention de l’armée Française en Côte d’Ivoire pour séparer les belligérants était salvateur pour le pays lui-même. En tout cas, il avait permis d’éviter un coup d’état d’une violence extrême, qu’il ait réussit ou pas. Dans un deuxième temps, il s’agissait d’une intervention qui avait protégé non seulement le pouvoir ivoirien de Gbagbo, d’un coup d’Etat préparé par les forces nouvelles, peut-être aussi d’une guerre civile, si le conflit venait à durer ; Mais aussi la vie des citoyens français dont la représentation en Côte d’Ivoire est l’une des plus importantes en Afrique Noire. On ne peut d’ailleurs en vouloir à ces citoyens français présents en grand nombre dans ce pays : Ils avaient investi dans l’économie ivoirienne en créant des entreprises et des emplois.
De l’autre côté, les détracteurs de Gbagbo ont longtemps expliqué que le camp du FPI avait vraiment envie d’aller rendre visite aux éléments du Nord, de leur marcher dessus une fois pour de bon, dès que les militaires français de l’opération Licorne et la force de l’ONUCI commenceraient à plier bagage. Et que c’était un peu pour forcer la main à la France, que des avions de chasse de l’armée Ivoirienne bombardèrent le lycée français de Bouaké dans lequel neuf soldats français, et un citoyen américain (il aurait s’agit d’un agent de la CIA) avaient trouvé la mort.
C’est encore pour demander à la France en mission de paix de plier bagage qu’une manifestation des jeunes patriotes dans les rues d’Abidjan fut réprimée par les soldats français de la Force Licorne. On les accusa d’avoir tiré sur des manifestants à mains nues. Mais dans ces cas de manifestations se soldant par des morts d’homme, des hommes morts sous des balles réelles de militaires, il aurait fallu avant de se laisser aller à l’émotion, essayer de se placer dans la peau d’un observateur impartial. Car à partir de quel moment le doigt du militaire crispé sur la gâchette de son arme, effectue ce dernier mouvement de pression qui fait cracher du feu à son canon. Un homme en arme ne tire que quand il se sent en danger. Alors, imaginons encore une foule de manifestants hostiles et menaçants, censés aller manifester pacifiquement, qui brandiraient et lanceraient des projectiles, à la face des militaires puissamment armés. Il faudrait mettre au défi toute personne dans les mêmes conditions, avec une arme automatique dans les mains, de ne pas presser sur une détente quand deux ou trois projectiles lui arrivent à la figure. Que l’histoire nous le rappelle d’ailleurs ; dans nos pays d’Afrique, on a souvent remplacé les polices anti-émeutes formés pour contenir ce genre de situations par des bérets rouges (parachutistes commando) aguerris au combat. Pourquoi irait-on s’étonner de morts dans les rues d’Abidjan quand ce sont les manipulateurs du pouvoir Ivoirien qui envoient eux-mêmes leurs militants à des forces étrangères moins nombreux et lourdement armés. Comment pensaient-ils que les soldats français réagiraient devant ces manifestants auxquels on a lavé le cerveau, en plaçant la France entière du côté du diable dans leur mentalité.
Au demeurant, les choses ont l’air bien plus simples quand on se lance dans ces explications compliquées. La France n’est pas une sainte en matière de politique Africaine, mais c’était en même temps à l’Afrique de faire comprendre à cette dernière ce qu’elle voulait d’elle, et ce qu’elle ne voulait pas d’elle, ce qu’elle était en devoir de lui faire, de lui fournir, ce qu’elle ne pouvait pas lui fournir, et ce dont elle aurait besoin en contrepartie. Ah, j’allais oublier, de lui rappeler ce dont l’Afrique n’avait pas besoin, comme les fameux chasse-neige qui auraient été commandés par un gouvernement d’Afrique centrale. Sinon, comment font les pays du golfe pour tenir en laisse les nombreux Américains qui font à la rigueur du lèche-botte aux émirs et autres princes arabes pour pouvoir signer le moindre contrat de prestation de service entre leurs entreprises et leurs pays ? Comment font les Indiens, les Brésiliens, quand ils rencontrent les chefs d’Etat Européen qui leur courent après avec les patrons d’entreprise pour pouvoir vendre, ne serait-ce que leur savoir-faire ?
Que la France ne cherche que son intérêt ? en quoi n’est-ce pas normal ?
Quand on déplace l’intervalle entre la France et l’Afrique, sur l’échelle africaine et qu’on en fait une intervalle entre nous citadins et les habitants de milieux ruraux, on n’imagine pas combien nous avons toujours la volonté de manipuler (inconsciemment ou non) ces personnes que nous appelons non moins affectueusement, les villageois, les venus de la campagne. Comment pensions-nous que les Français et autres européens, eux nous prendraient quand ils arriveraient sur les terres africaines, toutes sales, dénuées de technologies numériques, arborant sans ambages de grands signes de pauvreté. Imaginons-nous combien l’envie de manipuler est grande chez ces peuples dont les ouvriers les moins qualifiés ne font plus des briques de ciment à la main, mais à la machine.
Après tout, cela ne leur donne pas le droit de nous asservir ? Erreur, cela leur donne tout leur droit, dans leur âme humaine porteur d’ombre, comme toute âme humaine d’ailleurs, qu’elle soit de race blanche ou noire, comme toute âme humaine qui est impure et remplie de bien et de mal, il leur faut manipuler ce qui apparaît à leurs yeux comme manipulable.  C’est donc une fois de plus aux africains, de leur donner l’esprit de leur évolution. De leur fixer leurs limites quand ils viennent chez nous pour travailler, investir, et même offrir ce qu’ils ont. Sinon, on a l’impression que ce manque d’instruction de nous peuples africains, manque qui met à vide tout concept démocratique restera une tare imprimée dans nos gênes à jamais, et que l’Afrique Noire sera toujours mal partie.
Voilà ce qu’il faudrait expliquer à ceux qui veulent mourir pour Laurent Gbagbo. Ensuite, s’ils veulent toujours mourir, on leur laissera jouir du libre arbitre, droit inaliénable à tout homme qu’il soit instruit du principe démocratique, ou non.
A la rigueur, quand nous faisons encore appel au rétroviseur des évènements de la Côte d’Ivoire, il aurait fallu rendre un certain hommage à Alassane Ouattara. L’homme qui probablement a été choisi comme Premier Ministre par Houphouet Boigny en 1990 pour sa bonne maîtrise des sciences économiques, mais aussi pour son impartialité, étant lui-même un parfait inconnu et ne bénéficiant du soutien d’aucune ethnie ivoirienne. Il est celui qui a relevé la Côte d’Ivoire du marasme économique qui le gangrenait. Ouattara a été de loin un homme providentiel, celui qui a su mettre les ivoiriens dans les rangs, celui qui leur a fait arrêter le gaspillage, celui qui a diminuer le nombre de Ministres au gouvernement, celui qui a mis la Côte d’Ivoire au travail, celui qui a préparé la dévaluation du Franc CFA dont les effets très bénéfiques ont été ressentis bien longtemps après son départ en 1993. (De 1990 à 1994, la Côte d’ivoire est passé de 1,8 à 6,8% de croissance économique). Qu’à cela ne tienne, s’il a gardé les mêmes qualités que dans les années 90, alors Alassane Ouattara serait l’homme indiqué pour la Côte d’Ivoire. Peut-être aurait-il déjà accédé au pouvoir et fait du bien à ce pays si un certain Henri Konan Bédié n’avait pas commis la bêtise humaine d’inventer de façon très sournoise le concept d’Ivoirité pour l’écarter, avançant qu’il n’était pas Ivoirien de souche. Qu’à cela ne tienne, nous africains n’avons même plus de véritables souches depuis la colonisation. On avait séparé les pays sans tenir compte des cartes ethnico-sociales ; le vin était déjà tiré, mais certains comme Bédié, pourtant réputés grands aficionados du vin, avaient eu du mal à le boire.
La démocratie est donc chassée depuis longtemps de l’Afrique. Depuis 1955, quand les grands dirigeants du monde de l’époque ont réitéré à Bandoeng, en Indonésie, le droit des peuples colonisés à disposer d’eux-mêmes, on a eu l’impression qu’une erreur fatale a été commise. Ou peut-être ces colonisateurs savaient-ils, que quand on expliquerait la démocratie aux indigènes, ils la comprendraient autrement, et l’appliqueraient à coups de machettes et avec une bonne dose d’ethnocentrisme.
Doit-on croire alors à une certaine démocratie pour l’Afrique ? Oui, mais il ne faut guère être pressé. Si des personnes mal instruites se soulèvent pour enlever le peu de biens produits par un peuple, il faut les calmer à tout prix, en leur faisant entendre raison, en leur expliquant comment fonctionne un vrai pays démocratique. Il faut leur demander d’envoyer leurs fils et filles à l’école pour qu’ils viennent contribuer à faire avancer la nation qui les a vus naître et ceci avant même de penser à leurs richesses personnelles. Il faut leur demander de bannir de leurs pensées,  les phraséologies bêtes du genre « la France nous a fait du mal  et continue par nous faire du mal », il faut leur demander de lire et d’écrire du bon français, cette langue qui fédère ceux qui parlent dioula et malinké, bété et baoulé, bambara et senoufo, et qui ne peuvent pas échanger de propos courtois à cause de leurs différences. Il faut leur demander d’apprendre à mieux vivre en acceptant les différences, qu’elles soient ethniques, culturelles ;  ceux qui mangent du chien, et ceux qui n’en mangent pas ; ceux qui mangent le singe et se souviennent de sa main, contre ceux qui ne la mangeront jamais parce qu’ils se sont souvenus de leurs mains d’abord, ceux qui procèdent d’une manière différente à la nôtre dans l’amélioration de leur condition de vie, dans l’éducation de leurs enfants, dans le travail bien fait. C’est le seul moyen d’apprendre la démocratie ; loin des semeurs de troubles et de zizanie, qui demandent de faire quitter tel groupe ethnique de la terre de leurs aïeux pour les envoyer ailleurs. Ceux qui continueront sur cette voie n’auront rien compris, et continueront d’apporter de l’eau au moulin de Jacques Chirac. Peut-être même connaîtrait-il mieux l’Afrique que les africains eux-mêmes. Au demeurant, si certains pensent dans sa France, que la démocratie n’est qu’un leurre, qu’il sert à faire croire au peuple que c’est lui qui gouverne ; alors au moins, cela sert à faire croire au peuple que c’est lui qui gouverne. L’Afrique aussi a besoin de faire croire aux africains qu’ils gouvernent, et elle en est encore très loin.



Afrique et Démocratie : un couple antinomique ?

Chronique d'abonnés
Afrique et Démocratie : un couple antinomique ?
par Georges N'zambi, Universitaire
05.12.10
L'embrouillamini électoral ivoirien sur fond de déni de démocratie et son corollaire le risque d'implosion de la Côte-d'Ivoire remet plus que jamais à l'ordre du jour la sempiternelle interrogation sur la capacité de l'Afrique à faire sienne les principes de la démocratie.
Jacques Chirac alors président du RPR fut en effet le premier homme politique français à affirmer, au début des années 90, en réaction à l'injonction démocratique du sommet de la Baule que « l'héritage des lumières » ne pouvait s'acclimater avec la culture africaine, dominée par l'instinct tribal. En raison de cette faiblesse structurelle et en l'absence de clivages idéologiques, la démocratisation de l'Afrique ne pouvait que déboucher sur le chaos, le désordre ; un luxe que les pays africains ne pouvaient s'accorder.
Vingt après, cette vision prémonitoire, vilipendée par l'intelligentsia africaine, prend une autre résonance à la lumière des turpitudes électorales récurrentes en Afrique. Faut-il néanmoins donner raison à l'ancien Président de la République ? la réponse à cette interrogation mérite une nuance très prononcée. Tout d'abord, l'aspiration démocratique des peuples est une réalité incontestablement universelle. De ce fait, le sommet de la Baule initié par François Mitterrand au lendemain de la chute du Mur de Berlin a ouvert des perspectives porteuses d'espérance en matière de liberté d'expression du suffrage universel des peuples africains. Néanmoins, le bilan à tirer de ce processus apparaît à bien des égards très mitigé. L’Afrique subsaharienne a vu émerger à la faveur de ce processus des démocraties 00000véritables. Le Bénin, le Ghana, le Mali et dans une certaine mesure le Sénégal font figures d'exemples. La libéralisation du champ politique y a contribué à la diversification de l'offre politique ainsi qu'à la consolidation des institutions démocratiques de sorte que l'alternance politique y est devenue une réalité forte tangible. À l'inverse dans l'immense majorité des pays, les processus électoraux ont connu diverses infortunes. Ils ont été soit interrompus par des coups d'État sur fond de restauration autoritaire ou soit simplement instrumentalisés par les pouvoirs sortants dans l'unique but de s'auto-accorder une légitimité populaire. La pratique démocratique en Afrique a, hélas montré que « le pouvoir sortant, bénéficiant du large soutien de tout l'appareil d'État, pouvait à loisir dicter l'issue d'un scrutin » ; « on prête au demeurant à un ancien Chef d'État africain d'avoir affirmé on n'organise pas les élections pour les perdre » ; le dame ivoirien tire donc sa source dans cette incapacité des tenants du pouvoir à penser la démocratie en terme d'alternance politique.   « Moi ou le chaos » telle est la justification éhontée de la longévité de certaines magistratures érigées en « présidence à vie ». Plus tragique encore est la tendance d'une transmission héréditaire du pouvoir qui semble progressivement s'imposer. L'ex Zaïre, le Togo, puis récemment le Gabon ont manifestement indiqué le chemin. Le panurgisme ambiant risque donc de contribuer à brève échéance à l'allongement de la liste de pays émules. Les chances de voir l'Afrique noire devenir véritablement démocratique à brève échéance sont aussi incertaines que sont ses perspectives de développement, et ce d'autant plus que les motivations de ses dirigeants ne sont pas toujours guidées par l'intérêt général. La récente tournure judiciaire française de « l'affaire des biens mal acquis » impliquant certains Chefs d'État africains témoigne à bon escient de cette réalité. Ces dérives dommageables risquent de perdurer indéfiniment tant que l'accès au pouvoir demeurera le plus sûr moyen pour les gouvernants ainsi qu'à leurs proches de bénéficier d'une amélioration exponentielle de leur situation patrimoniale personnelle. Le rôle de l'occident dans la perpétuation de ces régimes est éloquent et empreint d'hypocrisie. Bien souvent le réalisme politique a souvent été mis en avant pour justifier la fréquentation de certains régimes peu recommandables. Cette duplicité des pays du Nord a contribué à l'émergence d'un sentiment anti-occident que certains hommes politiques ont tenté d'exacerber pour asseoir leur légitimité. L'imbroglio ivoirien est sans aucun doute une occasion inespérée pour l'Occident d'affirmer sa vocation à soutenir les processus démocratiques en Afrique. « L’Afrique noire est mal partie » affirmait René Dumont dans les années 60 ; malgré le temps qui a passé cette affirmation afro-pessimiste demeure une réalité cruellement d'actualité, et ce, au grand désespoir des populations africaines. Celles-ci profondément éprises de » l'idéal des lumières » voit en lui la porte de salut susceptible de la mener vers des lendemains meilleurs.
L'histoire a toutefois montré qu'aucun régime autocratique ne pouvait indéfiniment s'imposer contre la volonté souveraine du peuple ; celui-ci finit toujours par triompher de ses oppresseurs. L'espoir d'émancipation est ainsi permis aux peuples d'Afrique !


lundi 20 décembre 2010

On a muselé les radios

J’ai voulu faire un titre dans le genre « on a marché sur la lune », le célèbre album de tintin qui montrait d’une façon somme toute originale qu’on pouvait bien être journaliste (tintin était journaliste) et se payer un de ces quatre matins, un tour sur la bonne vieille lune. Mais là encore, passons…
Comme j’habite un pays africain normal, aux évènements très anormaux (c’est ce qui fait notre normalité), je me suis dit, bah, pourquoi, ne pas, (pour faire aussi un peu de remplissage), mettre à l’écrit ce que je pense de ce que j’écoute à la radio, comme actualité politique de la terre de nos aïeux (surnom bizarre donné au Togo, comme si les autres pays n’avaient jamais eu leurs lots d’aïeux) et donc des terres d’aïeux d’ailleurs.
La radio justement parlons-en. C’est mon premier thème de bloggueur. Trois radios, sur la bonne vingtaine que nous devrions compter sur la bande FM (j’ai arrêté de compter de toute façon) se sont retrouvées fermées par l’Autorité de Règlementation des Postes et Télécommunications du Togo. D’après ce que j’ai compris, deux d’entre elles avaient eu du mal à verser leurs redevances annuelles et la dernière aurait été fermée pour la simple raison qu’elle diffusait un programme somme toute politiquement incorrect.
La première réaction qu’on a en bon apprenti-démocrate que nous sommes au Togo, c’est : « Oui, la liberté d’expression vient de prendre un coup, il faut appeler Reporters Sans Frontières, la presse est muselée, les dirigeants de ce pays sont des gens foncièrement mauvais… » etc. les diatribes dans ce genre de cas sont légions et enrichissent la victimisation déjà évidente de ces journalistes qui pourtant sont avides des effets d’annonce, des coups médiatiques et tout le reste. Car voyez-vous, l’émission Essogbevo (qu’on peut traduire en français par, « le couvert est mis » ou « c’est fin prêt » ou mieux encore « ça va chauffer », beaucoup d’expressions annonciatrices d’un évènement imminent s’y prêtent dans le mina du Togo), a été longtemps une arène où on venait invectiver avec beaucoup de violences verbales le pouvoir en place au Togo ; et où on venait en même temps s’invectiver quand deux camps adverses étaient représentés en studio. C’est tout juste si la chose, depuis la période de l’élection présidentielle n’a pas pris des tournants d’une rudesse difficile à supporter pour les hommes de pouvoir. C’est alors qu’ils ont fait ce qu’ils savaient faire de mieux, ils ont fait fermer la radio, avec des arguments plus ou moins solides, où résidait probablement aussi une affaire de redevance, ajoutée peut-être à une accusation de diffamation ou à quelque chose de politiquement incorrect (nous le disions). En tout cas, une chose est sûre, la radio de Essogbevo a été fermée. Autant dire ironie du sort, « Essogbevo » !
De là, à prendre fait et cause pour la radio muselée, est toujours chose aisée. Nous pourrions tous répéter à souhait ce que je rappelais plus haut comme diatribes pour décrire les actions autocratiques (c’est ce qu’on a l’habitude de dire souvent), du régime à la tête du « Togo de nos aïeux ». Quand on prend pourtant du recul pour se souvenir de la fameuse radio Mille Collines (du rwanda) qui a littéralement dicté aux Hutus l’extermination des cafards (les tutsis) ; on se demande si ces litres de sang coulés sur la terre rwandaise ne suffisait pas à faire appel au sens de la responsabilité du journaliste togolais.
Le contrôle de soi, paramètre sans lequel l’édifice journalistique s’écroule est trop souvent mis de côté sur les antennes de certaines radios. Elles ouvrent leurs micros pour ceux qui veulent insulter tel camp politique, et tel autre, révoltant ici et là, les auditeurs, qui, ayant eux-mêmes perdu leur self-control, se laissent aller. Et il a été trop souvent prouvé et acquis pour vrai que les humains que nous sommes se laissent aller de plusieurs manières : il y a les excités de la machette qui sous l’effet harangueur d’un animateur radio, peuvent aller chercher à présenter le militant du parti politique adverse, à Dieu en personne ; il y a des excités du cœur qui voient leur tension artérielle augmenter, ou leur rythme cardiaque se muer en arythmie pour aboutir à un infarctus et que sais-je encore.
Doit-on toujours bâtir une émission de radios sur des insultes, des provocations et des menaces (parfois à peine voilées) pour obtenir un assentiment des auditeurs qui pensent : « ah, tel journaliste est bon, tel journaliste sait parler, il dit la vérité hein, c’est le meilleur, il n’a peur de rien hein »…
La pratique devrait rester d’un autre âge, on devrait l’enterrer avec les morts de Mille Collines au Rwanda, on devrait grandir dans le métier de journaliste et de communication de masse dont on  fait une profession. Après tout, la masse est difficilement maîtrisable, quand on lui sert trop d’informations susceptibles de la choquer.
Ce qui dans une autre mesure pourrait prêter à sourire dans le cas de cette radio, est qu’elle n’ait pas été fermée par la Haute Autorité de l’Audiovisuelle et de la Communication (HAAC) sur décision de justice. C’est en tout cas, ce qui est prévu dans les textes régissant tout ce qui est presse et organe d’information. Cette radio (la malheureuse) aurait à la rigueur fait l’objet d’une jurisprudence. En effet, la HAAC n’existe plus vraiment (ses membres sont en fin de mandat, et elle fait l’objet d’un vide institutionnel). L’ART&P (Autorité de Règlementation des Postes et Télécommunications) a donc jugé bon de procéder elle-même à la mise sous scellé de cette radio, alors qu’elle n’est habilitée en temps normal que pour attribuer les fréquences ou à les retirer si besoin est.
Notre pays est beau, il est merveilleux, et on se prête à toute sorte de sport pour remettre parfois certaines personnes dans les rangs ou pas, dans beaucoup de cas.
Remettre le peuple dans les rangs, c’est lui faire du bien à ses dépens. « Gouverner c’est parfois, savoir dire non » disait François Fillon quand on s’apprêtait à faire adopter les nouvelles lois sur les retraites en France. Le peuple est de loin, vu comme l’enfant de la famille, qui ne sait pas vraiment ce qui est bon pour lui. Il est attiré par telle chose, il prend goût pour tel autre, demande à avoir ceci ou cela, sans savoir vraiment, ce qui en découle à long terme. Et cela, c’est le travail des politiques. Dois-je d’ailleurs rappeler ici ces propos d’Edem Kodjo, le politicien qui n’est pas prophète dans son pays (comme le Christ d’ailleurs) : « De tout ce que la politique pouvait amener à faire de mal, elle le devait au diable par excellence ».
Les radios seront donc muselées par cinq, par dix, si cela devrait rendre service à tout le pays, à son insu. Que le peuple s’en plaigne. Qu’il en pleure, qu’il en souffre aujourd’hui, et qu’il reconnaisse dans plusieurs années (et ça prendra le temps que ça prendra) qu’on a voulu que son bien.
En ce moment-là, Dieu saura faire le tri entre les siens et ceux du diable sans que pour une fois, ce dernier ne se sente lésé.

Pourquoi ce blog ?

Je n’ai jamais véritablement compris l’intérêt d’avoir un blog. Il faut reconnaître qu’au départ, étant issu d’une société où la lecture passe vraiment pour la dernière des activités (sauf sur les CV où la lecture est mentionné comme une souillure) ; et où l’internet est une espèce en voie d’apparition à acquérir à un prix d’or, avoir un blog dénote d’une petite gabegie personnelle. On aurait été Russe et propriétaire d’une voiture climatisée, qu’il y aurait eu des similitudes frappantes. Aller sur internet dans mon pays est comme un petit gaspillage de ressources. Sinon, qu’irions faire les humanoïdes bipèdes carboniques que nous sommes ? Acheter un truc sur ebay ? encore moins en vendre ? ou acheter un billet d’avion pour ses prochaines vacances ? vérifier ses mails ? ou aller sur des sites de cul ? (cette dernière activité est assez prisée. Mais que cela n’étonne personne, après avoir accédé à yahoo mail après 20 minutes d’attente pour lire en moyenne, un seul mail, que nous reste-t-il d’autres à faire que d’explorer les horizons de jolies dames triée sur le volet pour nous expliquer dans le plus simple appareil, le mystère d’une certaine partie très prisée de l’anatomie féminine ? (toutes mes excuses ; en fait j’avais créé ce blog pour écrire noir sur blanc ce que tout le monde pense tout bas, y compris moi-même).
C’est donc seulement dans mon entendement récent que l’écriture semble être devenue une petite passion de rien du tout. Une lubie, un caprice personnel, un besoin d’aligner des mots qui me viennent à l’esprit pour décrire une situation plus ou moins bête, un film que j’ai vu, un évènement, une situation etc. D’ailleurs, je me croyais déjà un « homme en situation » à la Jean Paul Sartre. Erreur ! En bon africain, je lis très peu, je fais de gros efforts pour finir un livre de cinq cent pages en un mois et demi. Ce qui pour le bon lecteur européen ou américain, relèverait du sacrilège. Pourtant, quand on lit à ma vitesse, ballotté entre les cortèges d’évènements journaliers du jeune noir chômeur de mon état, on se rend compte que même la plus grande des volontés n’y ferait rien.
C’est pourquoi depuis le 12 Août 2008, j’ai blogué pour moi-même. Les lignes actuelles n’ont jamais franchi la carte réseau de ma machine que depuis ce matin. J’avais peur d’être jugé. Et je veux pas faire perdre leur temps aux gens, vu que je suis à peu près sûr que ma vie ne devrait intéresser personne. Peut-être aurais-je fumé un peu de substances illicites, stupéfiantes, que j’aurais été plus inspiré. Mais rien n’y fit… à la rigueur, je pourrai m’acheter un bâton de cigarettes bon marché avec une bonne quinte de toux en prime.
Mais ma vie, justement parlons-en.
Dénuée de tout problème. Fils d’un Togolais et d’une Togolaise à la fortune très moyenne, j’ai à l’âge de 26 ans, une garantie formelle, à moins de perdre subitement mes parents, que je peux m’alimenter gratuitement, dormir sans payer de loyer et jouir d’électricité, d’eau et de téléphone sans payer la facture. En somme, c’est eux mon Armée du Salut, ils font tout et moi, rien. Je me crois parfois, limite, un retraité. Je vis dans une maison de retraite d’ailleurs quand j’y pense. Mon père est retraité, ma mère ressemble vaguement à la même chose, et moi-même, je me réveille pour m’asseoir en face d’eux et les regarder, parfois il faut aller se promener, regarder un film, dormir, et rebelotte, on remet tout ça dès le lendemain.
Entre temps, j’ai piqué à un informaticien pourtant brillant, un poste de Consultant en Maintenance Informatique et Réseaux dans un cyber pas très loin de chez moi. J’ai un revenu en dessous du SMIC et du substantiel. Cela n’aurait pas pu m’aider à subvenir à mes propres besoins si je vivais seul sans soutien parental, mais c’est toujours un peu d’argent de gagné, et de dépensé. Pas de compte en banque, rien, le gars qui prend la vie, comme elle vient, c’est moi.
Mais alors, si ma vie est aussi simple et ennuyeuse, qu’ai-je d’intéressant à raconter. Bah…, c’est ce qu’on verra. Tout de suite comme ça, je me le demande aussi ? qu’ai-je à dire d’intéressant.