lundi 29 avril 2013

Anselme Sinandare – Au plaisir des faiseurs de martyr


Parmi les récents évènements de la vie sociopolitique togolaise, l’un des consensus les plus mémorables est la condamnation dans un camp comme dans l’autre de cette mort par balle en pleine manifestation à Dapaong, d’Anselme Sinandaré, élève âgé de douze ans. Son deuil a été porté de Dapaong à Lomé ; porté jusque sur les pages du réseau social facebook ; porté à raison par ceux qui ont, dans un élan de solidarité, affiché sur leurs profils les photos de son vivant, ainsi qu’il est coutume de le faire pendant les obsèques pour honorer le mort ; puis porté à tort par les posts irresponsables et calamiteux montrant le cadavre d’enfant mort percé d’une balle dans le dos, couché dans du sang qui s’était écoulé de son corps sans vie. A-t-on jamais compris pourquoi on demande qu’un corps soit couvert une fois que la vie s’en échappe ? Parce que la vue du cadavre d’une personne, par ses proches n’est jamais une chose aisée. Et comme les zélateurs togolais sur facebook n’ont pas pensé aux proches d’Anselme Sinandaré…
Le comportement humain en général conduit à chercher les réponses à nos interrogations dans les sphères qui nous semblent les plus accessibles. Et quand on ne les trouve pas, on s’en remet à ces jugements de bas étage, sans avoir pris la peine de reconsidérer les faits tels qu’ils se sont déroulés.
Que disent les faits ? Une manifestation d’élèves encadrée par des forces de l’ordre qui à la surprise générale se sont munis de leurs armes à feu.
Il est clair qu’un zélé là-bas à Dapaong, a demandé qu’on arme des hommes pour une manifestation d’élèves. Si les manifestations du Collectif Sauvons le Togo, même dans ses périodes les plus violentes des 12, 13 et 14 Juin n’avaient jamais opposé des forces de l’ordre armés aux militants CST portant le bilan à zéro mort, il convient de se demander pourquoi irait-on alors armer des anti-émeutes à Dapaong  pendant qu’à Lomé, le gaz lacrymogène a du succès auprès du gendarme empêcheur de manifester?
De ce que nous savons officiellement, l’homme qui a armé les forces de l’ordre à Dapaong durant la manifestation des élèves a été déposé en prison en attente de son procès. Or qui dit procès, dit investigations. Des enquêtes diligentées pour situer les responsabilités et répondre à de nombreuses interrogations afin d’éclaircir la mort par balle d’Anselme Sinandaré : Le tireur avait-il l’intention de tirer pour tuer ? Pensait-il procéder à des tirs de sommation pour éloigner les jeunes manifestants et a tiré par maladresse sur la foule ? (hypothèse la plus probable). Est-il entraîné à tirer ? si oui, combien de fois a-t-il déjà effectuer d’exercice de tir ? Connaît-il l’arme qu’il a utilisée ? A-t-il eu des relations orageuses avec la famille Sinandaré, des relations l’ayant conduit à un désir de vengeance, faisant de son acte, un acte isolé ? Les interrogations, contre-interrogations et autres remises en question dans cette affaire sont légions.
Avec le recul, l’existence à titre posthume du fils de dapaong _mort pour avoir réclamé la pitance à sa juste valeur des enseignants de sa ville_ a pris des tournures d’un saint à canoniser d’urgence. L’enfant vite brandi en martyr du pouvoir de Lomé II, est récupéré par la classe politique du pays, côté opposition.
Martyr dit l’opposition togolaise ? Martyr, personne physique ayant souffert des tourments ou de la mort plutôt que de renoncer à sa croyance, fusse-t-elle politique ? Est-ce vraiment ce qu’il fallait faire d’Anselme, un enfant qui n’en demandait pas tant ?
Il n’est jamais de bon ton de charger  la sauce politique togolaise déjà trop épicée d’un fait qui pourtant n’avait aucune couleur politique. C’est sombrer dans la récupération politique qui consiste à dire que cet élève est mort à Dapaong parce qu’on a donné l’ordre depuis Lomé qu’on tire sur la foule des jeunes manifestants. On en arrive à échafauder à tort un désir présidentiel de faire un remake de Soweto 1976. Pourtant pendant que les élèves de Dapaong marchaient et en mourraient, la masse importante d’élèves de Lomé bloquait la circulation sur le boulevard du 13 janvier, narguant les usagers en face d’une ouverture du Camp de la Gendarmerie pendant près d’une heure sans être inquiété par un seul gendarme. Pourquoi personne n’a tiré sur un élève de Lomé ?
De cette pancarte « martyr » que l’opposition togolaise s’amuse à accrocher désespérément au cou de cet enfant mort, il va falloir s’affranchir définitivement. Le fait que cet enfant soit tombé heurté par une balle tirée pour dissuader la foule de jeunes révoltés incombe uniquement à l’homme qui aura poussé le zèle à son niveau le plus malsain pour armer des forces de l’ordre allant couvrir une manifestation. Et ce zèle, il devra en rendre compte devant la justice.
Anselme Sinandaré est mort pour que demain aucun membre des forces de sécurité à Dapaong n’aille encadrer une manifestation en portant une arme à feu. Il n’est pas mort pour servir la cause politique d’un parti d’opposition qui veut s’attirer sympathisants et militants en proférant des condamnations récupéré sur le dos d’un enfant victime d’un dommage collatéral.
De nos jours notre capacité de jugement et d’appréciation des actes posés nos leaders d’opposition est complètement occultée par leurs récupérations politiques ; ces denrées périssables que même notre grande presse togolaise sabordera bientôt pour deviser avec force coulée d’encre sur les élections législatives et locales. Nous y lirons les turbulences de pensées et les truculences de langage, sous les plumes de moins en moins aseptisées et de plus en plus vitriolées des journalistes qui carburent à ladrénaline des périodes électorales. Ou comme le disait les Goncourt, l’élan de ces belles colères nerveuses qui fouettent le sang et qui trouent le papier.
Au demeurant, que ces partis politiques faiseurs de martyrs, s’attaquent aux problèmes réels des autres « Anselme Sinandaré » qui prolifèrent à Dapaong, qui n’ont qu’une seule tenue d’école pour toute la semaine et qui ne mangent pas à leur faim.
En me remémorant la fable de la cigale et de la fourmi, bien loin des comparaisons hâtives il convient de s’interroger : l’UFC tant vomie mettra dans la balance, le lycée technique d’Assahoun inauguré fin 2012 grâce au lobby de son député Habbia contre zéro centre de formation inauguré à Dapaong, ou dans tout autre région du Togo pour « l’opposition de plage » ; en revanche, il compte désormais sur un martyr de plus créé pour jeter l’opprobre sur un régime qui lui continue de sabrer son champagne à l’ombre de son pouvoir consolidé… De quel côté trouvera-t-on penchée l’aiguille mesurant les actes, les plus bénéfiques pour nos populations ?
« Excédées, les populations se font sourdes aux propos de raison et s’enflamment aux discours incitant au rejet de tous ceux qui sont perçus comme les causes des malheurs publics. Il n’est pas rare qu’un personnage inattendu exploite ce sentiment de haine pour s’assurer du soutien des foules et passer par les mailles des règles démocratiques pour fonder un pouvoir d’essence populiste, aux lendemains incertains ». (Yawovi Agboyibo, Combat pour un Togo Démocratique).

dimanche 14 avril 2013

Dialogue, Politique d’apaisement, Les ingrédients de la méthode BODJONA


 

Voici deux articles très informatifs et assez brefs de par la qualité et le professionnalisme de ceux qui l’ont écrit dans le seul but d’informer :

Lien 1 :


Lien 2 :


 

Retenons pour la suite, cette première déclaration post-détention de Pascal Bodjona : On ne s’improvise pas en politique ! Quand on est devenu (un homme politique), on s’y attache. Mais il faut s’y attacher avec des options. Je peux me permettre de continuer à croire que le dialogue a été l'option du président de la République. C’est pourquoi je lui demande, face à cette grogne sociale et politique, de faire attention et qu’il s’élève en bon père de famille, et qu’il puisse engager cette nation dans la voie d’un dialogue sincère, pour l’apaisement des cœurs et s’attacher au développement du pays ».

Voici maintenant ma lecture entre les lignes :

En termes clairs, l’ancien bras droit, main tendue et bras armé ; du moins bras armé oratoire du Président de la République, affiche clairement un « Monsieur Le Président, vous êtes sur le point de vous tromper dans vos directives actuelles ; si vous ne m’écoutez pas, ça ne marchera pas ».

Faisons un peu d’histoire pour nous remettre en situation.

Dans les derniers jours du gouvernement HOUNGBO II, Pascal BODJONA a été l’homme providentiel envoyé par le Président pour discuter avec l’opposition togolaise frondeuse à Deckon. Nous étions alors à la mi-Juin de l’année 2012 ; trois jours d’échauffourées commençant par faire tâche sur le plan international, on avait _ rappelons-nous _ commencé par inviter frondeurs et frondés à la table du dialogue. Il fut d’ailleurs annoncé que les deux interlocuteurs représentant le président de la république, seraient le Premier Ministre d’alors, Gilbert Houngbo et le Ministre de l’Administration Territoriale, Pascal Bodjona. Alors même que le couple BODJONA/HOUNGBO ramenaient la main tendue du chef de l’état vers une opposition sous-tension, un autre Gilbert, Gilbert BAWARA, plusieurs fois membre du gouvernement, alors Conseiller du Président de la République, traite de « badauds non représentatifs », les manifestants dragués vers le dialogue par la paire HOUNGBO/BODJONA.

De là, questions : Y avait-il eu deux ordonnances du Président sur la gestion de cette crise ? Ou bien l’une d’entre elles (de BAWARA ou du tandem HOUNGBO-BODJONA) était-elle un acte isolé qui n’avait pas reçu un  consentement direct du Président ?

Poursuivons l’histoire…

Dans un climat incertain, émaillés de troubles et de violences entre manifestants et forces de l’ordre, un gouvernement est emporté par la démission de Gilbert HOUNGBO, et dans la foulée, on s’aperçoit que dans le nouveau gouvernement formé, BODJONA est retiré des affaires pour être remplacé par celui qui n’avait eu aucune tendresse verbale à l’endroit de la rue agitée des 12, 13 et 14 Juin 2012.

L’ancien bras droit sans poste ministériel et sans grande fonction étatique commençait par prendre des allures de spring breaker jusqu’à ce qu’une affaire d’escroquerie ne l’interpelle et qu’une gendarmerie fortement armée l’appréhende plus tard, au mois de septembre, dans sa villa sur fond de réseau téléphonique coupé _nous dit-on _par hasard…

Vint tout le feuilleton du BODJONA inculpé, détenu à la gendarmerie dans le cadre de l’affaire si bien décrite par l’article de Jeune Afrique dont le lien est sus-cité.

De nos jours, s’il faut remercier Dieu que nos rues de Deckon se soient calmées et que les réclamations de l’opposition se soient re-cantonnées à la plage où l’on braille et re-braille des revendications devenues éternelles, la grogne sociale où se trouve désormais mêlés même les plus jeunes, _des élèves des collèges et lycées publics de Lomé _  pour réclamer des conditions de vie meilleure pour les enseignants n’augure pas de lendemain heureux pour le gouvernement actuel.

C’est pourquoi le libéré provisoire se met tout de suite à re-proposer au chef de l’état de revêtir des habits de dialogueur, pour apaiser par exemple un personnel soignant de la santé publique qui refuse désormais tout cadavre pour cause de grève.

Dans le CV-Médiation de BODJONA, on trouve déjà les soulèvements du campus de Lomé et de Kara qui ont abouti à des rencontres gouvernement-étudiants, ou encore les mécontentements du personnel soignant qui a abouti également à des rencontres gouvernement-syndicats de personnel soignant… En d’autres termes, du temps des médiations BODJONA, tous les cadavres arrivant à la morgue y entraient et n’en sortaient que par la volonté des familles éplorées qui les y amènent ; et aucun élève n’a fracassé le portail d’un Collège privé et confessionnel pour en sortir ses homologues.

Si demain, l’homme du dialogue, grand manieur du bâton et de la carotte ainsi que l’écrit de lui, la presse togolaise, redevient un ticket gagnant du pouvoir Faure de Lomé, il s’agira de se rappeler cette vieille définition de la politique : Elle ne résout pas les problèmes. Elle permet seulement de les déplacer.

Savons-nous d’ailleurs si les libertés provisoires s’élargissent aux libertés définitives au prix d’un dialogue bien mené ?

Ce ne sont que des supputations… rien ne nous garantit que c’est ce qui arrivera… Lire entre les lignes est un exercice émaillé d’interprétation diverse. Ceci n’en était qu’une partie bien logique, mais tout aussi réfutable.