dimanche 26 décembre 2010

L’aspiration démocratique des peuples, une réalité incontestable…



L’aspiration démocratique des peuples, une réalité incontestable…
Sauf en Afrique 

Par François Adzimahe, Observateur.
26.12.10

Dans le titre, il a fallu tout de suite ajouter : “Sauf en Afrique” et la raison paraît toute simple :   Un système politique dans lequel la souveraineté procède de l’ensemble des citoyens est une démocratie. Un système dans lequel la souveraineté procède d’une partie des citoyens (les plus nantis et trop souvent membres du parti au pouvoir) n’est pas démocratie.

Avant d’aller plus loin, reprenons _ et ceci dans le but de poser les fondements de cette réflexion _ le parcours de la démocratie depuis les premières heures de son existence ; Car on s’en doute, ce concept politique a fait son bout de chemin.

D’abord chez les grecs, une certaine démocratie autorisait tout citoyen, à l’exception des femmes, des esclaves et des « métèques » (tous ceux qui n’étaient pas nés grecs et donc n’avaient pas la citoyenneté, aujourd’hui, la nationalité) pouvaient prendre la parole et voter à l’Agora. Suivra progressivement cette montée en puissance de l’église catholico-romaine caractérisée par une théocratie au sommet de laquelle trônait la papauté ; elle fut d’ailleurs associée assez tôt avec la royauté caractérisée par le règne de générations de familles qui de par leurs sangs royaux étaient censés être les seules à avoir la capacité de diriger, de gouverner, d’être au pouvoir. Le pouvoir divin incarné dans l’Europe du 17ème siècle par la royauté et la papauté fut non seulement théocratique, mais aussi autocratique, oligarchique, monarchique, dictatorial (selon les humeurs des historiens qui ont commenté ce pan de l’histoire du monde moderne). L’exemple suivant prêterait d’ailleurs à sourire de nos jours, mais il revêtait un caractère très sérieux à l’époque :

Charles 1er roi d’Angleterre aurait pendant longtemps octroyé sous son règne un permis d’acte sexuel à ses sujets du royaume. C’était le FUCK : Le Fornication Under the Consent of the King. Tout couple qui n’avait pas ce permis avant de copuler pouvait être condamné à de lourdes peines.
Aujourd’hui le mot est galvaudé, et relegué à la vulgarité, mais il avait bien de l’importance pour le peuple anglais du 17ème.Jusqu’à quel point pouvait-on asservir un peuple ? vous venez d’avoir la réponse.

C’est alors qu’une mésentente entre Sangs Royaux et Petits Bourgeois fit littéralement perdre la tête  au roi de l’époque, Charles 1er (on le décapita). Un certain Cromwell fit de l’Angleterre d’alors une république, qui aurait dû prendre des allures de démocratie ; mais toujours en ce 17ème siècle, le peuple apparemment ne savait pas ce qu’il voulait ; Cromwell non plus d’ailleurs.  Taxé d’être encore plus dictatorial que le régime de la royauté, On mit rapidement fin à sa République et un sang royal lui succéda sous le nom de Charles, deuxième du nom. C’est d’ailleurs un peu sous son règne qu’on énuméra la première déclaration des droits tout en posant des garde-fous au pouvoir du roi. Ces droits garantissant certaines libertés individuelles aux citoyens anglais, on considéra que c’est à peu près à cette époque qu’on vit naître ce qu’est la démocratie moderne dont nous semblons jouir dans beaucoup de pays du monde. Tout le reste ne fut qu’améliorations en passant par les penseurs du monde moderne parmi lesquels John Locke, Charles De Montesquieu et Jean Jacques Rousseau dont le contrat social mettait en avant la collectivité qui doit nécessairement favoriser le bonheur du plus grand nombre. Entre temps, la démocratie prit des traits plus fins avec la révolution française et son lot de Déclaration des droits de l’homme, l’invention du suffrage universel, du référendum, etc.

Les grands idéologistes de l’histoire ont toujours cherché à donner le pouvoir au peuple pour être sûr de faire de la démocratie. Ce fut les batailles quotidiennes des Marxistes-léninistes qui ont cru pouvoir y arriver avec le communisme, les socialistes qui les ont précédé en ouvrant la voie au peuple pour qu’il puisse décider de tout sans savoir vraiment vers quoi il allait, les anarchistes qui optaient pour la politique de l’autruche et laissaient les choses s’envenimer quand ils plongeaient et gardaient leur tête dans le sable.

La démocratie : le mot était compliqué, les ouvertures qu’on essayait de présenter à travers ce dernier étaient sans cesse remises en question et ses limites ô combien nombreuses étaient sans cesse bafouées, surtout chez nous, les Africains. Car voici, l’une des limites dont il ne faut jamais faire abstraction quand on imprime la démocratie dans les gènes d’un peuple aussi primitif qu’il soit, surtout s’il n’en connaissait même pas l’existence il y a moins d’un siècle : la démocratie n’est qu’un concept vide si tous les citoyens n’ont pas accès à l’information ou à un niveau d’instruction qui leur permette de participer au débat politique.
Soudain, cette dernière éclaircie, limite importante à la démocratie, apporterait de l’eau au moulin d’un certain Jacques Chirac, afro-pessimiste de la première heure, pour qui «  l'héritage des lumières ne pouvait s'acclimater avec la culture africaine, dominée par l'instinct tribal. En raison de cette faiblesse structurelle et en l'absence de clivages idéologiques, la démocratisation de l'Afrique ne pouvait que déboucher sur le chaos, le désordre ; un luxe que les pays africains ne pouvaient s'accorder ».
Et tout porte à croire, à la lumière des guerres tribales en Afrique, des manifestations qui finissent dans le sang, des répressions et autres plaies politiques infligées au continent par ses propres fils, que non seulement l’Afrique Noire est mal partie, mais aussi qu’elle n’a rien compris. Sinon, comment comprendre qu’il puisse exister des Ivoiriens apportant un soutien indéfectible au Président sortant et aujourd’hui s’imposant, Laurent Gbagbo. Car dans le souvenir le plus récent qu’on puisse avoir, celui de son règne sur la moitié du pays, on n’a déploré que morts d’hommes (Escadrons de la mort, charniers de Yopougon, Mort et disparition de journalistes français) et détournements financiers notamment des productions du Café et du Cacao pour s’armer. Qu’en serait-il quand on lui confiera deux moitiés de pays au lieu d’une seule. D’aucuns brandiront avec leurs sentiments anti-occident le fait que la France soit mauvaise, qu’elle soit à la base de tous les problèmes de l’Afrique et que sais-je encore. Mais alors, revenons à l’actualité du 19 Septembre 2000 à Abidjan. Le fameux contrat signé entre la France et la Côte d’Ivoire sous HouphouetBoigny qui stipulait l’assistance de l’armée française en cas d’attaque militaire avait encore sa valeur, ou peut-être pas ; mais tout amenait à penser que l’intervention de l’armée Française en Côte d’Ivoire pour séparer les belligérants était salvateur pour le pays lui-même. En tout cas, il avait permis d’éviter un coup d’état d’une violence extrême, qu’il ait réussit ou pas. Dans un deuxième temps, il s’agissait d’une intervention qui avait protégé non seulement le pouvoir ivoirien de Gbagbo, d’un coup d’Etat préparé par les forces nouvelles, peut-être aussi d’une guerre civile, si le conflit venait à durer ; Mais aussi la vie des citoyens français dont la représentation en Côte d’Ivoire est l’une des plus importantes en Afrique Noire. On ne peut d’ailleurs en vouloir à ces citoyens français présents en grand nombre dans ce pays : Ils avaient investi dans l’économie ivoirienne en créant des entreprises et des emplois.
De l’autre côté, les détracteurs de Gbagbo ont longtemps expliqué que le camp du FPI avait vraiment envie d’aller rendre visite aux éléments du Nord, de leur marcher dessus une fois pour de bon, dès que les militaires français de l’opération Licorne et la force de l’ONUCI commenceraient à plier bagage. Et que c’était un peu pour forcer la main à la France, que des avions de chasse de l’armée Ivoirienne bombardèrent le lycée français de Bouaké dans lequel neuf soldats français, et un citoyen américain (il aurait s’agit d’un agent de la CIA) avaient trouvé la mort.
C’est encore pour demander à la France en mission de paix de plier bagage qu’une manifestation des jeunes patriotes dans les rues d’Abidjan fut réprimée par les soldats français de la Force Licorne. On les accusa d’avoir tiré sur des manifestants à mains nues. Mais dans ces cas de manifestations se soldant par des morts d’homme, des hommes morts sous des balles réelles de militaires, il aurait fallu avant de se laisser aller à l’émotion, essayer de se placer dans la peau d’un observateur impartial. Car à partir de quel moment le doigt du militaire crispé sur la gâchette de son arme, effectue ce dernier mouvement de pression qui fait cracher du feu à son canon. Un homme en arme ne tire que quand il se sent en danger. Alors, imaginons encore une foule de manifestants hostiles et menaçants, censés aller manifester pacifiquement, qui brandiraient et lanceraient des projectiles, à la face des militaires puissamment armés. Il faudrait mettre au défi toute personne dans les mêmes conditions, avec une arme automatique dans les mains, de ne pas presser sur une détente quand deux ou trois projectiles lui arrivent à la figure. Que l’histoire nous le rappelle d’ailleurs ; dans nos pays d’Afrique, on a souvent remplacé les polices anti-émeutes formés pour contenir ce genre de situations par des bérets rouges (parachutistes commando) aguerris au combat. Pourquoi irait-on s’étonner de morts dans les rues d’Abidjan quand ce sont les manipulateurs du pouvoir Ivoirien qui envoient eux-mêmes leurs militants à des forces étrangères moins nombreux et lourdement armés. Comment pensaient-ils que les soldats français réagiraient devant ces manifestants auxquels on a lavé le cerveau, en plaçant la France entière du côté du diable dans leur mentalité.
Au demeurant, les choses ont l’air bien plus simples quand on se lance dans ces explications compliquées. La France n’est pas une sainte en matière de politique Africaine, mais c’était en même temps à l’Afrique de faire comprendre à cette dernière ce qu’elle voulait d’elle, et ce qu’elle ne voulait pas d’elle, ce qu’elle était en devoir de lui faire, de lui fournir, ce qu’elle ne pouvait pas lui fournir, et ce dont elle aurait besoin en contrepartie. Ah, j’allais oublier, de lui rappeler ce dont l’Afrique n’avait pas besoin, comme les fameux chasse-neige qui auraient été commandés par un gouvernement d’Afrique centrale. Sinon, comment font les pays du golfe pour tenir en laisse les nombreux Américains qui font à la rigueur du lèche-botte aux émirs et autres princes arabes pour pouvoir signer le moindre contrat de prestation de service entre leurs entreprises et leurs pays ? Comment font les Indiens, les Brésiliens, quand ils rencontrent les chefs d’Etat Européen qui leur courent après avec les patrons d’entreprise pour pouvoir vendre, ne serait-ce que leur savoir-faire ?
Que la France ne cherche que son intérêt ? en quoi n’est-ce pas normal ?
Quand on déplace l’intervalle entre la France et l’Afrique, sur l’échelle africaine et qu’on en fait une intervalle entre nous citadins et les habitants de milieux ruraux, on n’imagine pas combien nous avons toujours la volonté de manipuler (inconsciemment ou non) ces personnes que nous appelons non moins affectueusement, les villageois, les venus de la campagne. Comment pensions-nous que les Français et autres européens, eux nous prendraient quand ils arriveraient sur les terres africaines, toutes sales, dénuées de technologies numériques, arborant sans ambages de grands signes de pauvreté. Imaginons-nous combien l’envie de manipuler est grande chez ces peuples dont les ouvriers les moins qualifiés ne font plus des briques de ciment à la main, mais à la machine.
Après tout, cela ne leur donne pas le droit de nous asservir ? Erreur, cela leur donne tout leur droit, dans leur âme humaine porteur d’ombre, comme toute âme humaine d’ailleurs, qu’elle soit de race blanche ou noire, comme toute âme humaine qui est impure et remplie de bien et de mal, il leur faut manipuler ce qui apparaît à leurs yeux comme manipulable.  C’est donc une fois de plus aux africains, de leur donner l’esprit de leur évolution. De leur fixer leurs limites quand ils viennent chez nous pour travailler, investir, et même offrir ce qu’ils ont. Sinon, on a l’impression que ce manque d’instruction de nous peuples africains, manque qui met à vide tout concept démocratique restera une tare imprimée dans nos gênes à jamais, et que l’Afrique Noire sera toujours mal partie.
Voilà ce qu’il faudrait expliquer à ceux qui veulent mourir pour Laurent Gbagbo. Ensuite, s’ils veulent toujours mourir, on leur laissera jouir du libre arbitre, droit inaliénable à tout homme qu’il soit instruit du principe démocratique, ou non.
A la rigueur, quand nous faisons encore appel au rétroviseur des évènements de la Côte d’Ivoire, il aurait fallu rendre un certain hommage à Alassane Ouattara. L’homme qui probablement a été choisi comme Premier Ministre par Houphouet Boigny en 1990 pour sa bonne maîtrise des sciences économiques, mais aussi pour son impartialité, étant lui-même un parfait inconnu et ne bénéficiant du soutien d’aucune ethnie ivoirienne. Il est celui qui a relevé la Côte d’Ivoire du marasme économique qui le gangrenait. Ouattara a été de loin un homme providentiel, celui qui a su mettre les ivoiriens dans les rangs, celui qui leur a fait arrêter le gaspillage, celui qui a diminuer le nombre de Ministres au gouvernement, celui qui a mis la Côte d’Ivoire au travail, celui qui a préparé la dévaluation du Franc CFA dont les effets très bénéfiques ont été ressentis bien longtemps après son départ en 1993. (De 1990 à 1994, la Côte d’ivoire est passé de 1,8 à 6,8% de croissance économique). Qu’à cela ne tienne, s’il a gardé les mêmes qualités que dans les années 90, alors Alassane Ouattara serait l’homme indiqué pour la Côte d’Ivoire. Peut-être aurait-il déjà accédé au pouvoir et fait du bien à ce pays si un certain Henri Konan Bédié n’avait pas commis la bêtise humaine d’inventer de façon très sournoise le concept d’Ivoirité pour l’écarter, avançant qu’il n’était pas Ivoirien de souche. Qu’à cela ne tienne, nous africains n’avons même plus de véritables souches depuis la colonisation. On avait séparé les pays sans tenir compte des cartes ethnico-sociales ; le vin était déjà tiré, mais certains comme Bédié, pourtant réputés grands aficionados du vin, avaient eu du mal à le boire.
La démocratie est donc chassée depuis longtemps de l’Afrique. Depuis 1955, quand les grands dirigeants du monde de l’époque ont réitéré à Bandoeng, en Indonésie, le droit des peuples colonisés à disposer d’eux-mêmes, on a eu l’impression qu’une erreur fatale a été commise. Ou peut-être ces colonisateurs savaient-ils, que quand on expliquerait la démocratie aux indigènes, ils la comprendraient autrement, et l’appliqueraient à coups de machettes et avec une bonne dose d’ethnocentrisme.
Doit-on croire alors à une certaine démocratie pour l’Afrique ? Oui, mais il ne faut guère être pressé. Si des personnes mal instruites se soulèvent pour enlever le peu de biens produits par un peuple, il faut les calmer à tout prix, en leur faisant entendre raison, en leur expliquant comment fonctionne un vrai pays démocratique. Il faut leur demander d’envoyer leurs fils et filles à l’école pour qu’ils viennent contribuer à faire avancer la nation qui les a vus naître et ceci avant même de penser à leurs richesses personnelles. Il faut leur demander de bannir de leurs pensées,  les phraséologies bêtes du genre « la France nous a fait du mal  et continue par nous faire du mal », il faut leur demander de lire et d’écrire du bon français, cette langue qui fédère ceux qui parlent dioula et malinké, bété et baoulé, bambara et senoufo, et qui ne peuvent pas échanger de propos courtois à cause de leurs différences. Il faut leur demander d’apprendre à mieux vivre en acceptant les différences, qu’elles soient ethniques, culturelles ;  ceux qui mangent du chien, et ceux qui n’en mangent pas ; ceux qui mangent le singe et se souviennent de sa main, contre ceux qui ne la mangeront jamais parce qu’ils se sont souvenus de leurs mains d’abord, ceux qui procèdent d’une manière différente à la nôtre dans l’amélioration de leur condition de vie, dans l’éducation de leurs enfants, dans le travail bien fait. C’est le seul moyen d’apprendre la démocratie ; loin des semeurs de troubles et de zizanie, qui demandent de faire quitter tel groupe ethnique de la terre de leurs aïeux pour les envoyer ailleurs. Ceux qui continueront sur cette voie n’auront rien compris, et continueront d’apporter de l’eau au moulin de Jacques Chirac. Peut-être même connaîtrait-il mieux l’Afrique que les africains eux-mêmes. Au demeurant, si certains pensent dans sa France, que la démocratie n’est qu’un leurre, qu’il sert à faire croire au peuple que c’est lui qui gouverne ; alors au moins, cela sert à faire croire au peuple que c’est lui qui gouverne. L’Afrique aussi a besoin de faire croire aux africains qu’ils gouvernent, et elle en est encore très loin.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire