samedi 15 janvier 2011

Opposants africains, vous qui finissez par arriver au pouvoir…


Opposants africains, vous qui finissez par arriver au pouvoir…
Par François Adzimahé
09.01.11
J’en citerai au moins trois : Alpha Condé en Guinée, Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, Abdoulaye Wade au Sénégal.

D’abord Laurent Gbagbo : Enseignant d’Histoire à l’Université, il a été longtemps perçu par le pouvoir Ivoirien comme l’instigateur des révoltes multipliées dans les milieux universitaires pour réclamer une meilleure condition de vie de l’étudiant Ivoirien. La création de groupes d’étudiants anti-Houphouétistes, c’est lui ! A l’époque, deux de ses étudiants, aujourd’hui célèbres, y faisaient la pluie et le beau temps : Guillaume Soro et Charles Blé Goudé. Certains incidents sur les campus universitaires Ivoiriens ont trop souvent fini en coups et blessures par armes blanches. Derrière, se composaient, ombrageuses et sournoises,  des manipulations de mains noires de politiciens s’affrontant par étudiants interposés. On aura au demeurant vu comment bien des fois, Laurent Gbagbo fut emprisonné ; emprisonné même par Ouattara alors Premier Ministre sous Houphouet Boigny dans les années 90 ; Plus tard ils feront partie du gouvernement de Robert Guéï, mais on va mettre tout cela sur le compte du sort et de son ironie naturelle.

Abdoulaye Wade : longtemps proche du Premier Président du Sénégal, Sédar Senghor ; ce dernier (le Président Senghor) l’aurait (d’après certaines sources) chargé de créer un parti d’opposition factice, pour que le Parti au pouvoir, le PS de Senghor puisse faire partie de l’Internationale Socialiste.  C’était la condition Sine qua non. On était un parti Socialiste au pouvoir ; Mais pour faire partie de l’Internationale Socialiste, il fallait avoir au moins un parti d’opposition pour faire montre de démocratie (système politique donc incompatible avec le parti unique). Nul ne se doutera que plus tard, l’appétit venant en mangeant, WADE fit du parti factice, un parti d’opposition (le PDS) qui allait rendre la vie dure au Successeur de Senghor, Abdou Diouf. 40 ans d’opposition sont à afficher au palmarès d’Abdoulaye Wade !!! Quarante ans pendant lesquelles, toutes les étapes de la violence furent franchies en passant par les destructions de biens publics jusqu’à la mort d’un policier sénégalais durant une manifestation du SOPI (affectueux surnom du PDS souvent scandé par ses aficionados). 

Je n’évoquerai pas Alpha Condé à qui j’ai pourtant trouvé beaucoup de similitudes avec un certain GilchristOlympio. Ces deux types s’amusaient à être candidats aux présidentielles dans leurs pays respectifs et quand cela dégénérait après les résultats, ils couraient tout de suite se réfugier à Paris.  Quels opposants !!!
Oui, Quels opposants ! car jusque-là, le schéma classique de l’opposition africaine est entouré d’une auréole angélique. Auréole dont la surbrillance n’existe que quand l’opposant est dans sa logique et dans son contexte d’opposition politique. On aurait même pu s’en douter… le schéma classique de nos réflexions sur la politique en Afrique est : Les méchants sont toujours au pouvoir, et les gentils sont toujours dans l’opposition. Dans des pays plus évolués, avec des populations mieux éduquées aussi d’ailleurs. L’exemple des Américains est plus qu’illustratif car voici : quand on prête un peu d’attention à l’histoire des élections présidentielles américaines, on s’aperçoit d’emblée que le peuple Américain fait trop souvent preuve d’une versatilité débordante ; à moins qu’elle soit fan de l’alternance politique à tel enseigne qu’elle ne fasse plus attention aux programmes politiques de tel ou tel camp. Sinon comment expliquer qu’en près de deux cent trente ans d’existence politique, on a fait que remplacer les démocrates par les républicains, et vice-versa à chaque fin de mandat présidentiel. Jamais dans l’histoire des élections au pays de l’oncle Sam, un parti qu’il soit républicain ou démocrate, n’aura cumulé deux victoires consécutives quand le Président sortant (issu donc du parti au pouvoir) était en fin de mandat. Récemment encore, Barack OBAMA en a fait les frais un peu trop tôt d’ailleurs (et Comme Bill Clinton aussi il y a quelques années), quand le peuple Américain trop pressé de voir ses problèmes résolus l’a sanctionné après moins de deux ans de mandat, en faisant perdre à son parti la majorité au Sénat.

Aussi, comme les africains ne sont pas encore suffisamment libres pour élire en jouant de la chaise musicale (ou des fauteuils présidentiels musicaux) avec les leaders politiques de leurs pays, on en arrive à se demander à partir de quel moment, quand ils ont de la chance, les gentils de l’opposition deviennent-ils quand même les méchants au pouvoir ? Nous reprendrons les exemples nos deux ex-opposants : Abdoulaye Wade et Laurent Gbagbo.

Abdoulaye Wade : Durant son premier mandat à la tête du Sénégal, il trempe dans une obscure affaire relative à l’agression mortelle d’un artiste musicien Sénégalais qui reçut, un soir à la sortie d’un restaurant de Dakar, des coups de massue sur la nuque. L’homme a longtemps lutté entre la vie et la mort, mais ne s’y est pas abîmé. A l’époque, il venait de sortir un album avec des termes très critiques et très incisifs à l’endroit du pouvoir Sénégalais de Wade. Il ne s’attendait pas visiblement à jouer avec sa vie ; celui dont il se moquait sans s’en cacher dans les textes de ses chansons a longtemps été grand laudateur de la démocratie et de la liberté d’expression. Pourtant, durant les enquêtes, l’identification de la plaque minéralogique d’un véhicule appartenant à l’un des responsables de la garde présidentielle du Sénégal fit tâche d’huile, une bonne partie du personnel de la Présidence Sénégalaise fut auditionnée,  avant que cette histoire brouillarde, ne se dissipe comme aspirée par un buvard. L’enquête avait très vite pris l’allured’une “Cold Case, affaire classée”.
Le Cas Sénégalais, c’est l’arbre qui cache probablement le cas Ivoirien qui est la forêt. Sinon, examinons la Présidence Gbagbo en Côte d’Ivoire ! Pathétique ! Pathologique même ! celui qui a lutté pour le bien-être du peuple, celui pour qui des militants furent emprisonnés, tués, blessés, mutilés , sacrifiés sur l’autel de la démocratie dont il rêvait pour son peuple, a fini par créer les escadrons de la mort, a fini par créer des milices qui ont creusé des charniers pour y jeter des corps d’hommes à qui ils ont pris soin d’ôter la vie ; Sous sa présidence, ses prochesont fait enlever et/ou tuer des journalistes par des hommes de main, parce que l’un venait de comprendre comment la filière Café Cacao a servi à des achats d’armes ; et l’autre couvrait la libération d’opposants à son propre régime (Jean Hélène couvrait la libération de militants du RDR d’Alassane Ouattara quand il fut assassiné).

Etonnant, sinon même, préoccupant ! est encore la présence des Maîtres Vergès et Dumas aux côtés, voire au chevet de Laurent Gbagbo aujourd’hui. VERGES ? DUMAS ? Sont-ils là pour comme ils l’ont toujours montré, résoudre les problèmes difficiles ou impossibles à aborder d’une façon ouverte ?Jacques Vergès, personnage suffisamment noirci par ses fréquentations étranges, sorte de côté obscur de la force (ou de la farce aussi de temps à autre), homme dont j’admire tout de même la prodigieuse intelligence (il faut rendre hommage aux grandes choses), diable à qui il manquerait les habits en prada (il défend quand même des génocidaires vietnamiens), aux côtés de Laurent Gbagbo ? Quelle image !!! Mais alors, Roland Dumas ; Roland Dumas, l’homme impliqué dans le détournement, la disparition mystérieuse et enchantée de trois milliards de francs français, des Bénéfices de l’entreprise française la plus rentable des années 90, ELF. A l’époque de la publication de ce dossier explosif, on mentionnait les aventures sulfureuses de Roland Dumas et d’une Catherine de Viegeoncourtdont , (je cite la presse française alors très méchante) « l’odeur fétide du slip polluait la politique française » (ils étaient méchants quand-même aussi ces journalistes !). Le scandale était tellement immense, les personnalités et les personnes impliquées tellement nombreuses, allant de Chefs d’Etats Africains, à des responsables politiques aussi bien Français qu’Africains, et même parfois à des personnages politico-militaires (en Afrique, nous mélangeons trop bien les deux milieux, politique et armée) que l’affaire qui fit grand bruit, fournissant du grain à moudre aux analystes politiques et déclenchant une formidable coulée d’encre dans les papiers des rédactions européennes prit une allure de decrescendo avec la fonte de ELF dans une compagnie moins connue, TOTAL, après avoir emprunté le nom transitoire de TOTAL FINA ELF.

Le couple DUMAS – VERGES pour Laurent Gbagbo? Quelles fréquentations !!! Quelles fréquentations pour l’homme qui veut afficher à suffisance, ses multiples vertus de meilleur dirigeant, de Président Providentiel pour  la Côte d’Ivoire ?
Qu’à cela ne tienne, quand il faut pousser des personnes ne comprenant rien aux enjeux politiques dans la rue avec en toile de fond, l’ambition de s’asseoir sur le trône présidentiel, quand il faut envoyer à la mort le peuple pour choquer de manière hypocrite et insidieuse, émouvoir et culpabiliser les soldats qui tirent sur leurs propres concitoyens qu’ils étaient censés protéger, maculer de sang les mains des hommes au  pouvoir qui ont donné l’ordre de tirer et alarmer la communauté internationale, les opposants font preuve de beaucoup d’efficacité. On arrive d’ailleurs à se demander si les leaders d’opposition ne manifestent pas généralement, le désir d’arriver au fauteuil présidentiel dans le sang ? « Car de tout ce que la politique pouvait amener à faire de mal, elle le devait au diable par excellence », disait un certain et mal-aimé EdemKodjo. (Le pauvre, comme le Christ, il n’est pas prophète dans son pays).

Sinon, comment en arrive-t-on à soutenir un leader contre des canons de mitraillettes tous fumants alors que son fauteuil présidentiel tant convoité n’a rien d’un canapé. Il n’y a qu’une place ! la seule ; et c’est lui y pose ses fesses pendant que les vrais artisans de la révolution pleurent les morts et pansent leurs blessures.

Les bons opposants, une fois qu’ils franchissent le pas de la porte du palais présidentiel nous laissent souvent nous démystifier sur l’autel de leurs péchés au pouvoir. A eux, il aurait fallu jeter la première pierre, puis bien de pierres encore ; que cela n’aurait pas suffi.

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