lundi 17 janvier 2011

De la nécessité de recadrer le 13 Janvier


Cette date porte un chiffre de malheur. L’année prochaine, son cortège de malheur devrait atteindre son apogée vu qu’elle tomberait sur un vendredi. Il faut peut-être le rappeler : les « Vendredi 13 » sont considérés dans la civilisation occidentale, comme des jours de malheur ; des jours de grands malheurs à cause du Vendredi 13 Octobre 1307, jour au cours duquel le Pape de l’époque ordonna le massacre des chevaliers-templiers dont on soupçonnait des pratiques peu catholiques (ou peu orthodoxes si vous voulez), acquises à partir des secrets que l’Eglise Romaine leur avait elle-même livré quelques siècles plus tôt quand elle les envoyait en croisade.

Le 13, du mois de Janvier dans mon pays natal, le Togo est aussi une date de massacre (allez, soyons bon seigneur, date de mini-massacre) du père de l’indépendance, Sylvanus Olympio. Qui l’a assassiné ? qui a commandité son assassinat ? voici des questions dont les réponses ont été multiples et soutenues dans leurs multiplicités par des thèses post-coloniales et des contextes ethnico-politiques entretenant tout l’imbroglio incroyable dans lequel l’histoire de nos pays d’Afrique, surtout en cette période-là, se retrouve toujours entremêlé. On ne nous appelle pas Continent Noir pour rien. Les affaires sombres sont nos sports préférés.
Qu’à cela ne tienne, le 13 Janvier fut une date de mort de Chef d’Etat, recadré pendant la gouvernance d’Eyadema Gnassingbe, en fête de libération nationale(on va dire que le camp Eyadema considérait avoir libéré le Togo des mains du camp Olympio, tout bêtement, pour faire simple et vite). La même date futre-recadrée par la suite comme fête des armées durant les première années de gouvernance de Faure Gnassingbé ; celui que la presse Togolaise surnomma le « fils de la nation » par analogie à Gnassingbé père, considéré comme le « père de la nation ».
Durant donc les premières années de gouvernance du « fils de la nation », on passa du 13 Janvier fête de libération nationale, jour de défilé civil et militaire, au 13 Janvier, fête des armées, jour de défilé militaire. Depuis, les choses prirent des allures d’évolution de pensée sans précédent, nous amenant, avec ce que l’on sait aux nouvelles amitiés de fils de Présidents (Nouvelle Amitié Gilchrist – Faure), puis à une commémoration de journée de réconciliation que l’on célèbre dans le recueillement à cette même date. Le programme s’en trouve totalement démilitarisée, armes de défilés enterrés, pour laisser place aux messes en mémoire des disparus; le Chef de l’Etat actuel prend d’ailleurs une part active dans ce recueillement en assistant à l’une des messes célébrées sur le territoire togolais. (Nous vivons une époque formidable !).

Au demeurant, le recadrage de ce 13 Janvier donnant lieu à ce consensus des obligés et à cette association contre-nature (Gnassingbe/Olympio), mais ô combien importante pour la paix que nous voulons tous dans nos pays, prendrait des allures véritables d’achèvement si on ne lui collait plus ce caractère « Férié, chômé et payé » sur toute l’étendue du territoire national. Cela finit par lui enlever en fin de journée, toute idée de recueillement. En observant d’ailleurs hier en soirée, un membre de la nation se mettre à danser dans un bar, parce qu’il a passé toute une journée de recueillement à s’empiffrer de victuailles et de boisson, on fait des efforts herculéens pour dégager ne serait-ce qu’un seul moment de piété et de pensée pieuse à la mémoire de ceux que nous savons et qu’une bonne partie du peuple prétend chérir.
Au demeurant, bien de Togolais (ceux qui n’iront pas par exemple boire de bar en bar, au point de devenir barbares), n’iront pas non plus prier pour le Togo, pour ses disparus.  Ils jouiront de cette petite liberté, cette pause générale de jour férié offert gracieusement par le chef de l’état en vue de la réconciliation nationale et du recueillement.
J’ai donc cherché le recueillement, je l’ai longtemps cherché hier soir dans les visages de ceux que j’ai croisé ; car quand vous faites abstraction de votre être, en vous payant une petite marche (pour dégraisser aussi un peu le bide) sur le trottoir, vous prenez conscience du formidable mélange de gens que vous croisez dans tous les sens. Un mélange de riches et de pauvres, de malade et de gens bien portants, de filles sexy et de mamans aux seins vraiment tombants, arrivant pratiquement au nombril, faisant des légers (ou même parfois pas) mouvements dans les corsages fatigués, parfois même défaits, des pileuses de foufous fatiguées par tant d’efforts pour satisfaire des clients insatisfaits, des couples de jeunes qui croient encore que l’amour ça fonctionne et qu’ils ont leurs chances, ils sont enlacés et marchent lentement en s’échangeant ces petites inutilités et banalités du quotidien, « je te trouve très jolie ce soir - moi aussi t’es très beau - je veux rester avec toi toute ma vie » et tout ce que nous connaissons si bien et que nous pensons si mal (oui au début, mais après, il faut garder le cap du bateau hein, pas facile du tout du tout) ; Dans les regards de ces gens j’ai cherché le recueillement et je ne l’ai pas trouvé.

Mais alors, doit-on vraiment faire des journées de recueillement à la Centrafricaine ou à la BOZIZE ? On fait fermer tous les bars et autres lieux de réjouissance, mais la journée est quand même chômée et payée ? Non ! Le Général BOZIZE avec le long passé d’ex-putschiste émérite de la Centrafrique et Grand Chambellan de l’Eglise du Christianisme Céleste au cours de ses premières années à la tête de ce pays (je sais pas s’il l’a fait en 2010) décrété les 31 Décembre, jour de recueillement avec fermeture de bars et de lieux de réjouissance. Une chose pas très brillante à mon avis. Même si cela partait d’une bonne intention, imposer un diktat religieux à sa population (tout en se disant ancien opposant et critique acerbe du régime Patassé) ne donnait pas finalement une meilleure image de l’homme et de sa gouvernance. Non, notre 13 Janvier recadré, nouvellement remodélé et remis sur le marché, aurait du être une journée de recueillement et de travail. Notre nouveau 13 Janvier n’aurait pas dû être férié pour bloquer une fois de plus, toutes les activités économiques sous prétexte de vouloir prier, faire des bondieuseries, pendant que l’économie se meure. 

« Ora et Labora », Prier et Travailler sont les deux meilleurs vêtements dont on habillerait désormais notre 13 Janvier. C’est l’esprit qu’il faut donner au Peuple Togolais. Et non, celui de lui présenter des signes de réconciliation, puis de complaisance générale comme pour dire : « bon, maintenant, on va rompre avec l’ancien système ; plus de défilé, c’est fini ; la journée reste férié, chômée et payée, moi j’irai à l’église le matin, avec tous les ministres et les autres (ceux qui veulent) ; et le reste du peuple fait ce qu’il veut de sa journée, afin que tout le monde soit content». Non, nous avons trop longtemps affectionné de dormir sur les lauriers. Nous voulons un Togo meilleur, alors il faudra le bâtir, pièce par pièce, goutte de sueur par goutte de sueur. Que ça prenne le temps qu’il faudra, que ceux qui veulent continuer par crier à l’oppression crient à l’oppression dans leur coin, et que ceux qui veulent se mettre au travail se mettent au travail. Car au détour où les générations futures nous attendrons, pour nous demander des comptes : « Papa, maman, qu’avez-vous fait en ce temps-là » ? nous pourrons leur dire « eh bien, chers enfants, pendant que les autres criaient et manifestaient, nous avons travaillé pour que votre avenir et ceux de vos enfants soit meilleur que le nôtre ».

Par François Adzimahe
14.01.2011

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